Elle s'est engagée à la Fédération des Conseils de Parents d'Elèves (FCPE) il y a maintenant quatorze ans ; « quand mon garçon est entré à la maternelle » se souvient-elle.

Convaincue de l'importance pour les parents de s'investir dans le fonctionnement de l'école, Brigitte Compain prend de plus en plus de responsabilités jusqu'à arrêter de travailler pour s'investir davantage.

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Depuis trois ans, elle est présidente départementale de la FCPE 35 et membre du Conseil d'Administration national.

Animée par l'envie de « défendre des choses et de proposer des idées » elle met en avant le respect du droit des parents, mais aussi et surtout, le respect de l'enfant qui avant d'être un élève est une personne !

 

 

 Interview de Brigitte Compain, présidente départementale de la FCPE 35

Quelles sont les idées que vous avez le plus envie de défendre ?

Au sein de l'école, ce qui m'intéresse c'est que les parents soient reconnus et que les enfants soient respectés dans tout ce qu'ils font parce que ce sont d'abord des personnes. Apprendre aux enfants à lire, à écrire et à compter, ça ne suffit pas ! On laisse, chaque année en France, 150 000 enfants sur le bord de la route qui quittent le système scolaire sans formation ni diplôme. Et ça, ce n'est pas acceptable ! Dans quelle société va-t-on vivre si on ne s'occupe pas de ça ?

Vous dites donc qu'aujourd'hui, parents et enfants ne sont pas respectés par l'école ?

Je pense qu'il y a encore beaucoup de travail à faire pour que l'enfant soit respecté dans ses choix, dans ses désirs, dans tous ses projets. Je suis toujours aussi révoltée qu'il y a dix ans, parce que je vois que les choses n'avancent pas beaucoup et que les parents ont peu de place pour être entendus. Beaucoup ne savent même pas qu'ils ont des droits dans cette institution.
logofcpeA la FCPE 35, nous travaillons avec ATD Quart Monde. Nous avons voulu nous rapprocher de parents qu'on aimerait bien accueillir mais qui ne viennent pas spontanément vers nous. Nous avons notamment travaillé sur les peurs réciproques ; c'est-à-dire la peur de certains enseignants qui ne sont pas toujours très à l'aise avec les familles, et la peur des parents qui ont gardé de mauvais souvenirs de l'école. Il faudrait que les parents les plus démunis soient un peu plus valorisés par l'école pour que leurs enfants soient fiers d'eux. Si les parents ne sont pas à l'aise, les enfants ne sont pas à l'aise, non plus. Le travail de la FCPE c'est de faire comprendre aux parents comment fonctionne l'école ! Il nous faut travailler tous ensemble ; si les parents sont associés, ça va aider les enfants. Il faut que les enfants aient des projets mais aussi que les parents soient à côté, pour porter les choses avec eux.

On entend parfois reprocher aux parents d'être démissionnaires dans l'éducation de leurs enfants et d'attendre trop de l'école ; qu'en pensez-vous ?

On entend de moins en moins quand même ce genre de chose ! Je pense que tous les parents quels qu'ils soient sont inquiets de ce qui attend leur enfant à l'école, comment il va évoluer, etc. Pour certains, le but sera qu'il fasse un bac S ou des études de médecine, par exemple ; pour d'autres, qu'il devienne mécanicien ou cuisinier. On n'a pas tous les mêmes ambitions pour nos enfants, mais on a tous une ambition pour eux ! On a tous envie de quelque chose et on a tous peur aussi !

Quels sont les principaux dossiers portés par la FCPE ?

Si les textes étaient appliqués, je crois franchement qu'on n'aurait pas grand chose à faire à la FCPE ! Mais, ce n'est pas le cas. Par exemple, dans les textes existent les heures de vie de classe, mais concrètement, il n'y en a pas ! La citoyenneté, les rapports filles/garçons, le harcèlement, la laïcité, tout ça, c'est là que ça devrait être réglé !
La FCPE ne remet pas en cause le travail des enseignants ni le contenu des programmes. Au contraire, nous appelons à être vigilants sur ces questions. Par exemple, quand je vois ce qui s'est passé l'an dernier autour des ABCD de l'égalité, je suis inquiète à l'idée qu'on puisse vouloir empêcher l'enseignement de certains programmes.
Ce qui nous concerne, c'est tout ce qu'il y a autour. Le poids du cartable, par exemple. Pourquoi cette charge sur le dos des enfants toute la journée ? Les horaires ! Certains enfants ou ados sont dix heures par jour à l'école ! Les punitions collectives, qui normalement sont interdites ! Les toilettes ! On m'a parlé encore récemment de toilettes qui sont fermées sur le temps du midi ; comment est-ce qu'on peut accepter des choses comme ça sans rien dire ?

Sur le département d'Ille-et-Vilaine, la FCPE fédère un peu moins de 3000 familles soit une toute petite minorité de parents ; avez-vous l'impression que c'est plus difficile aujourd'hui qu'avant pour vous de faire bouger les parents ?

compain2Je pense qu'on est un petit peu plus qu'avant dans l'individualisme, le besoin de se détendre... Les parents ont envie de faire du sport, d'aller à la piscine ou de courir... alors, moi, avec mes réunions de parents d'élèves, des fois je me dis : c'est vrai, c'est chiant ! (rires) Parler de l'école, ça veut souvent dire parler des soucis alors que les gens ont besoin de se vider la tête.
Peut-être qu'on ne ressent pas tous l'injustice de la même façon ; certains parents se disent : ce n'est pas à nous de nous occuper de ça ! Et puis, il y a des parents qui croient qu'on fait partie de l'Education Nationale parce qu'on a souvent été aux côtés des enseignants sur certaines revendications ! On est parents délégués, on parle à la directrice ou au directeur d'école, on est à l'aise avec eux donc les gens n'osent pas venir vers nous. Il faut qu'on fasse très attention à ça ! Ne pas être trop identifiés aux enseignants et savoir expliquer qui on est.

Vous semblez être toujours dans l'opposition avec les enseignants alors qu'il faudrait justement travailler ensemble ?

A la FCPE on est plutôt sur ce qui ne fonctionne pas et des fois c'est décourageant ! Heureusement, il y a des lieux où ça se passe bien, mais ça peut aussi être assez difficile ! Avant, les parents étaient plutôt influencés par les enseignants et c'était quelquefois dans l'intérêt de l'enfant : les classes surchargées, les absences d'enseignants, etc. Nos revendications pouvaient être communes. Il se trouve que depuis que les parents ont aussi leurs propres revendications, notamment l'envie d'une école bienveillante avec d'autres horaires, moins de devoirs à la maison, etc. c'est plus difficile. Il faut que l'école change ; c'est absolument nécessaire. Les enfants ne doivent plus aller à l'école avec mal au ventre !

Est-ce aussi fréquent que cela les enfants qui n'aiment pas l'école ?

11% des enfants vont à l'école à reculons ! Et 10% y sont harcelés par d'autres enfants ! C'est énorme ! Ça veut dire que sur un collège de 600 élèves, on a 60 enfants – garçons comme filles – qui sont harcelés ! Et ça veut dire aussi qu'il y a des harceleurs qui ne sont pas bien non plus dans leur peau. Donc, dans un collège de 600 enfants, on peut dire qu'on a entre 120 et 180 gamins qui ne vont pas bien à cause du harcèlement. On pourrait se poser des questions, quand même, voir ce qu'on peut faire ! J'ai essayé de faire une conférence ici à Rennes, je n'ai même pas trouvé une seule personne disponible ou quelqu'un qui maîtrisait un peu le sujet sur le département ! Il y a un boulot à faire là-dessus.

Parmi les familles que vous avez du mal à atteindre et donc, à défendre, il y a notamment les familles monoparentales ; comment l'expliquez-vous ?

On s'aperçoit que ce sont souvent des mamans qui sont toutes seules avec leurs enfants. Elles n'ont pas beaucoup de temps pour participer aux différentes réunions. Ce sont généralement des mamans assez jeunes qui travaillent... elles ont quelquefois un, deux voire trois enfants et donc, elles ne sont pas toujours très disponibles. On aimerait bien créer un lieu où on pourrait les accueillir et aussi accueillir leurs enfants pour qu'elles puissent participer à nos réunions. Je les sens plus fragiles, plus démunies du fait d'être seules face à l'Education Nationale. On constate aussi que seules ou pas seules, ce sont souvent les mamans qui gèrent tout ce qui touche à l'école en tout cas en maternelle, primaire, même encore au collège ; et puis, plus les études avancent pour les enfants, et plus les papas prennent le relais. C'est une question qui m'interpelle ; je n'ai pas la réponse, je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce que pour les papas, les études deviennent sérieuses quand ça monte en niveau ?

Vous vous réjouissez de l'élection d'une femme comme présidente nationale pour la première fois depuis la création de la FCPE en 1947, les questions d'égalité filles/garçons font-elles partie de vos priorités ?

En effet, on vient d'élire une présidente nationale et j'en suis très contente ! (rires) C'est très positif. On a une femme ministre de l'Education Nationale et même à la direction des services de l'Education Nationale pour la première fois, on trouve une femme. Tout ça, pour moi, va plutôt dans le bon sens ! Car malheureusement, nous constatons qu'il y a encore beaucoup de différences dans l'éducation entre les filles et les garçons, même si ce n'est pas toujours conscient de la part des enseignants. On a beau savoir ce qu'il faudrait faire, on a encore besoin de dire les choses. On peut, par exemple, encore se poser des questions sur les représentations véhiculées par les manuels scolaires : le rôle de la mère, le rôle du père ; la famille idéale constituée du petit garçon et de la petite fille, du chien, du chat (rires) L'égalité deviendra naturelle quand on n'aura plus besoin d'en parler ! En matière d'orientation, par exemple, encore aujourd'hui, on ne propose pas les mêmes métiers aux filles qu'aux garçons donc, pas les mêmes projets d'avenir.

Devant ces constats, la FCPE 35 a commencé à mettre en place une action concernant les stages obligatoires que doivent faire les élèves de troisième. Quels sont vos objectifs ?

Pour pallier un peu l'injustice des stages pour les élèves de troisième, on a demandé à nos parents adhérents de nous renseigner sur les entreprises qui prennent des enfants en stage afin de pouvoir communiquer une liste, une banque de stages aux enfants et en particulier à ceux des familles les plus défavorisées. L'idée est de donner à ceux dont les parents n'ont pas de carnet d'adresses, la chance de pouvoir aller dans un autre milieu, un autre quartier ou de sortir de leur campagne. Mais aussi à ceux des familles plus favorisées une ouverture sur d'autres milieux. Qu'ils aient une vraie occasion de voir autre chose et de se dire : peut-être que moi aussi je pourrais. On a des mamans ingénieures qui nous ont dit : je suis d'accord pour prendre un élève en stage, mais je préférerais une fille pour faire découvrir mon beau métier de femme ingénieure !

Propos recueillis par Geneviève ROY