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Pour ses 25 ans, SOS Homophobie aurait sans doute aimé présenter des chiffres plus optimistes. Selon le rapport annuel de l'association, les LGBTphobies, discriminations en raison de l'orientation sexuelle, sont encore en augmentation pour l'année 2018 (plus 66%).

En parallèle de cette situation alarmante les responsables de l'association saluent « le courage des victimes » qui de plus en plus « brisent la loi du silence » et permettent ainsi de sensibiliser le grand public. Les témoignages sont en augmentation de 15 % pour cette période.

Rencontrée au village associatif à Rennes, au lendemain de la journée internationale contre l'homophobie, Véronique Madre, co-déléguée de SOS Homophobie pour la Bretagne analyse ces chiffres alarmants.

 

 Que faut-il retenir de ce nouveau rapport ?

Ce qu'il faut retenir c'est qu'il y a une hausse de 15% des témoignages reçus pour l'année 2018 par rapport à l'année 2017. Mais aussi, une hausse beaucoup plus inquiétante, de 66%, des signalements d'actes de violence physique ; une augmentation continue sur les trois dernières années. Les LGBTphobies sont vraiment ancrées dans la société. Et ces chiffres sont confirmés par ceux que donne le ministère de l'Intérieur. Bien sûr, on peut penser, comme la parole des femmes a été libérée d'une certaine manière avec le mouvement Metoo, que la parole des personnes LGBT l'a été aussi. Cependant, je pense que ça n'explique pas forcément tout.

Existe-t-il un profil des agresseurs ?

Il n'y a pas un profil ; les agresseurs peuvent être de n'importe quel milieu social, de n'importe quelle ethnie aussi, parce qu'il faut éviter les stigmatisations ; par contre on remarque que la plupart des agresseurs sont principalement des jeunes hommes, et c'est plutôt inquiétant. On pourrait penser que les nouvelles générations sont plus ouvertes, or on voit quand même beaucoup de personnes très jeunes voire même mineures impliquées dans des actes de violence physique.

Qui sont les personnes agressées, est-ce qu'il y a plus d'hommes ou plus de femmes ?

On a plus de témoignages d'hommes que de témoignages de femmes ; et concernant les agressions physiques, 73% des victimes sont des hommes. Alors, peut-être que les femmes se tournent moins vers notre association, peut-être qu'elles osent moins en parler ouvertement... Les violences qu'on peut avoir contre les lesbiennes ou contre les gays peuvent être aussi différentes. Les gays sont peut-être plus victimes d'agressions physiques parce que plus stigmatisés, plus reconnaissables dans la rue...

veroniqueLes lesbiennes, grâce - entre guillemets - à leur invisibilisation finalement échappent peut-être un peu à ce genre de violence ! Par contre, pour tout ce qui est violence psychologique... Un autre chiffre important que l'on note aussi dans ce rapport sur l'homophobie c'est l'augmentation de 42% des témoignages concernant la lesbophobie par rapport à l'année 2017. Pour nous, ça montre plutôt une libération aussi de la parole des lesbiennes qui osent beaucoup plus témoigner maintenant qu'avant !

En 2013, on se souvient que les débats autour de la loi pour le Mariage pour Tous avaient provoqué beaucoup d'actes de violence homophobe ; est-ce que aujourd'hui alors qu'on traîne à voter la loi pour la PMA et que les débats se prolongent, on peut aussi penser qu'il y a des incidences en matière de violence ?

Bien sûr ! Tant qu'on n'aura pas une égalité des droits dans la loi, ça encourage l'homophobie, la transphobie ; ça encourage ces haines-là ! On n'est pas encore à l'égalité en France, il y a encore des progrès à faire sinon on ne serait pas là.... Et en effet, en 2013, au moment des débats sur le Mariage pour Tous, on avait eu un pic énorme, nos témoignages avaient presque doublé... Ce qu'on espère désormais c'est justement que les débats sur la PMA prennent fin et que la loi passe, qu'il n'y ait pas de nouveau report parce que sinon ça laisse traîner la situation et d'une certaine manière ça légitime l'homophobie et la transphobie ; dire qu'un couple de deux femmes ce n'est pas pareil qu'un couple hétérosexuel, comme le dit la loi aujourd'hui, c'est dire qu'on fait une distinction entre les deux situations et du coup, ça peut légitimer cette violence homophobe.

Est-ce que les chiffres du rapport national corroborent les chiffres que vous avez, vous, pour la Bretagne ?

Alors, nous, en Bretagne, on a une baisse du nombre de cas ! Est-ce que la Bretagne va mieux ? Je dirais que non parce que par ailleurs on a eu aussi des signalements récents d'agressions physiques, à Rennes notamment. On n'avait peut-être pas autant de signalements d'agressions physiques les autres années. Il y a quand même plusieurs cas de grande violence qui nous amènent à la prudence. Finalement, on est sur des chiffres relativement comparables. On a eu 44 cas signalés en Bretagne cette année contre 50 l'année dernière, et en Ille-et-Vilaine, il y avait 30 cas ; la majorité des cas étant donc sur l'Ille-et-Vilaine. C'est vrai qu'on est plus présents aussi avec notre association que dans les autres départements, même si maintenant on a notre antenne à Quimper. Notre association travaille au quotidien pour lutter contre ces LGBTphobies. On va dans les collèges, les lycées, pour sensibiliser les jeunes parce qu'on pense que c'est dès l'éducation qu'on doit intervenir. Cela dit, est-ce que les gens ont le réflexe d'aller signaler ces actes à SOS Homophobie ? Pas toujours ! On encourage les gens à les signaler parce que ça nous permet de montrer qu'il y a de la violence homophobe et qu'il faut lutter contre ça. Ce rapport est un outil pour nous pour interpeller les politiques notamment, pour leur dire qu'il y a encore beaucoup de travail à faire.

Aujourd'hui, pour la célébration du 17 mai, journée internationale contre les LGBTphobies, toutes les associations concernées sont présentes à Rennes, SOS Homophobie, mais aussi Aides, Le Refuge, le Planning Familial, des syndicats ou encore Iskis ; est-ce que ce type de journée est importante ?

Oui, c'est une journée essentielle. C'est important de montrer qu'on est là, qu'on n'a pas peur, qu'on ne baissera pas les bras non plus et c'est important que les personnes LGBT sachent qu'elles ont des allié-e-s, nous les associations, et puis aussi beaucoup d'allié-e-s dans la société ; il y a de plus en plus de personnes qui nous apportent leur soutien. Et c'est important quand on sort des chiffres aussi durs, de sentir qu'il y a des gens pour nous soutenir !

Propos recueillis par Geneviève ROY

Pour aller plus loin :

Lire le rapport de SOS Homophobie

Une pétition à signer pour soutenir la lutte contre le Sida : www.aides.org/uneminutepouragir


Un rendez-vous à Rennes : la Marche des Fierté aura lieu le samedi 8 juin à partir de 14h, départ de l'Esplanade Charles de Gaulle – village associatif sur l'Esplanade de 11h à 19h et Noz Pride au Liberté à partir de 23h (nombre de places limitées). Plus d'infos sur la page facebook de Iskis