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A 69 ans, elle a une retraite active. Professeuse* émérite à l'université Rennes 1, Marie-Françoise Roy est aussi présidente d'associations, coordonne des projets à l'international, défend la place des femmes dans les carrières scientifiques...

Autant d'engagements qu'elle assume avec enthousiasme et modestie.

Si elle regrette que trop peu de femmes trouvent leur place encore aujourd'hui dans les métiers scientifiques, elle ne veut pourtant pas se poser en modèle.

 

« J'ai eu de la chance ; à l'époque, on avait des postes facilement. Moi, j'avais mes deux enfants à 24 et 26 ans parce que j'avais eu mon premier poste à 22 ans. Ça n'existe plus ça ! » Quand Marie-Françoise Roy se compare aux jeunes mathématiciennes d'aujourd'hui c'est certes pour déplorer une évolution trop lente du nombre d'étudiantes dans les filières scientifiques mais aussi pour compatir aux difficultés de celles qui s'y engagent en 2019.

« J'étais dans un monde qui était beaucoup plus agréable – dit-elle encore – J'avais 18 ans en 1968 ; il y avait beaucoup de portes qui s'ouvraient (...) la proportion des femmes en maths est désormais d'une stabilité absolument désespérante ; on ne voit aucune évolution positive et même en informatique les choses ont empiré. »

Des constats qui l'empêchent de dire "suivez mon exemple" même si elle « ne refuse pas d'être mise en avant » car elle sait que les époques sont fondamentalement différentes. « Quand on me demande ma philosophie – précise-t-elle – je dis : " il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre ou de réussir pour persévérer !" ; je crois que c'est un peu comme le rocher de Sisyphe, on gagne d'un côté et on reperd de l'autre ... comme dans le féminisme ! »

Réduire les inégalités dans le domaine scientifique

Militante des premières heures, Marie-Françoise fut engagée au MLAC mais aussi dans le syndicalisme. Désormais, elle se concentre sur quelques actions qui lui tiennent à cœur. La mathématicienne participa à la naissance de l'association Femmes et Mathématiques à la fin des années 80 mais aussi de l'association European Women in Mathematics et également d'African Women in Mathematics Association, beaucoup plus récemment.

Aujourd'hui, elle préside le Comité pour les Femmes en Mathématiques, de l'Union Mathématique Internationale. « Ça nous a été profitable en Europe et en France de nous regrouper, donc on essaie d'encourager des regroupements semblables dans les parties du monde où il n'y en a pas encore » explique-t-elle.

Début novembre, en Italie, plus de 100 personnes représentant 60 pays se réuniront pour étudier les « différentes mesures à prendre pour réduire les inégalités entre les femmes et les hommes dans le domaine scientifique ». Marie-Françoise est largement occupée ces jours-ci à la préparation de ce congrès.

Pour l'auto-développement du Niger

Mais pas question pour autant d'abandonner ses autres responsabilités. Pour le festival des Solidarités qui s'annonce à Rennes, elle doit aussi coordonner le séjour d'un invité nigérien, le maire de Dankassari. C'est en qualité de mathématicienne et avec son mari, lui aussi mathématicien, et leur deux enfants, qu'elle a vécu deux ans au Niger au début des années 80 afin de participer à la mise en place d'un Master de mathématiques à l'université de Niamey.

De ce séjour, elle a conservé une véritable attirance pour ce pays et quelques solides amitiés qui ont débouché sur la création du réseau associatif Tarbiyya Tatali : une association au Niger et trois en France dont l'AESCD qu'elle préside. « J'avais alors une trentaine d'années et je trouvais qu'il y avait là-bas énormément de choses à faire et peu de gens pour s'en occuper » se souvient-elle.

Rentrée en France, elle éprouve le besoin de payer « une sorte de dette » et s'engage pour l'auto-développement du peuple nigérien, défendant l'idée qu'on « peut apporter une aide mais il faut que ce soit pour des projets qu'ils choisissent eux-mêmes ».

On ne parle plus ici mathématiques mais solidarité internationale et coopération décentralisée notamment entre la commune rurale de Dankassari au Niger et Cesson-Sévigné où elle réside. « Dans l'ensemble, je suis très active – reconnaît Marie-Françoise – mais suivant les semaines ça peut n'être que du Niger ou que des maths ! »

Maryam Mirzakhani, icône des mathématiciennes

Dans les jours qui viennent, elle devra aussi trouver le temps de participer à l'organisation de la journée du 15 octobre à Beaulieu. C'est là qu'en sa qualité de professeuse émérite, Marie-Françoise a « un budget pour les déplacements, la possibilité de faire venir des collaborateurs et ... une imprimante », là qu'elle rédige des articles pour des revues scientifiques ou travaille à des projets de livres.

Et c'est là qu'elle aura le plaisir d'assister à l'inauguration de l'amphi Maryam Mirzakhani, célèbre mathématicienne iranienne, décédée en 2017 à l'âge de 40 ans. Marie-Françoise avait contribué à la création d'une exposition du Comité pour les Femmes en Mathématiques consacrée à la mémoire de cette figure « très iconique pour les femmes mathématiciennes ».

Elle se réjouit de voir cette exposition proposée à Beaulieu et que cette femme, la première - et la seule à ce jour - à recevoir la prestigieuse médaille Fields, soit aujourd'hui honorée par l'université de Rennes 1.

Geneviève ROY

Pour aller plus loin :
Exposition Maryam Mirzakhani sur le campus de Beaulieu du 16 au 25 octobre au Diapason et du 20 novembre au 18 décembre à la Bibliothèque Universitaire

Festival des Solidarités Internationales à Rennes du 15 novembre au 1er décembre

Découvrir le site de l'association d'Échanges Solidaires Cesson-Dankassari (AESCD)

* - En utilisant le terme de "professeuse", nous répondons à l'invitation de Eliane Viennot lors de sa conférence au festival Dangereuses Lectrices. « On peut tous agir sur le langage, c'est très facile, ça ne coûte rien ! - a-t-elle défendu - et j'invite toutes les profs ici présentes, et les parents d'élèves, à dire « professeuse » évidemment puisque c'est le bon mot et j'aime beaucoup dire que Voltaire n'en a jamais connu d'autres ! Il aurait rit sûrement si on lui avait parlé de professeurE ! »