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Pour elle, « l'engagement, c'est important ». Et comme elle est artiste plasticienne, c'est à travers ses œuvres que Sophie Degano a choisi de militer.

Jusqu'au 24 mars, elle présente à Brest son exposition « Grâce à elles », une série de soixante portraits de femmes, connues ou non, dont elle souhaite faire des « modèles » et qu'elle a voulu « graver » dans les mémoires.

 

On lui pose souvent la question, mais Sophie Degano est bien incapable de savoir à laquelle des soixante femmes dont elle a fait le portrait va sa préférence. D'Aliénor d'Aquitaine au 12ième siècle à Régine Deforges au 20ième, en passant par Simone de Beauvoir, Marguerite Yourcenar et de nombreuses autres « restées dans l'oubli de l'Histoire » le choix est difficile. « J'ai du mal – dit-elle – parce qu'elles m'ont toutes touchée par leur volonté, leur courage. Et c'est d'ailleurs, ce que j'aime en elles ; chacune, à sa façon, a réussi à surmonter les obstacles. »

Si l'artiste a voulu se limiter à des Françaises, elle a fait en sorte, en revanche, de multiplier les origines sociales, les métiers et les époques pour que dit-elle « ces portraits touchent un public très large », mêlant les femmes de lettres aux femmes d'affaires, les sportives aux résistantes.

La volonté de rendre hommage de façon égalitaire

Déjà présentée plus d'une vingtaine de fois depuis sa création en 2016, cette exposition est le fruit d'un long travail de recherche. « J'ai assisté à des conférences, j'ai cherché sur internet ou en bibliothèque » énumère l'artiste qui s'est longtemps nourrie des vies de toutes ces femmes avant de produire son travail.

Degano3Cette fois-ci pas de peinture, de dessin ou de collage, c'est la gravure qu'elle a choisie. « C'était symbolique – argumente-t-elle – c'était comme graver leurs noms dans nos mémoires. La gravure sur linoléum, matière au rendu doux, était aussi une façon de montrer qu'il s'agit de femmes douces mais aussi fermes et déterminées ».

De même, elle opte pour le noir et blanc dans une visée égalitaire. « Il s'agit – dit-elle – de leur rendre hommage, c'est-à-dire de les mettre toutes sur le même plan, avec le même cadrage, qu'elles soient connues ou pas connues ; je voulais une forme d'égalité entre elles ! » Soucieuse de vérité, l'artiste s'est enfin attachée à ne choisir que des femmes dont elle pouvait trouver les portraits (peintures ou photographies) pour les « réinterpréter » à sa façon.

Le souhait de montrer des « exemples féminins »

Si les gravures s'accompagnent de textes, là encore, Sophie Degano revendique l'angle subjectif de son travail. Elle a voulu mettre en avant le « côté positif » de ces femmes. Son objectif : en faire des modèles dans une société qui manque « d'exemples féminins » et dont « les références restent masculines ».

C'est parce que son travail porte depuis longtemps sur les thématiques du choix et du lien, que Sophie Degano a « pris conscience que certains choix étaient plus compliqués à faire pour les femmes et que certains liens étaient plus compliqués à défaire pour les femmes que pour les hommes ».

Degano2C'est son « questionnement sur l'humain » qui l'a amenée à travailler sur les femmes et notamment sur les violences comme celles subies par les victimes de guerre. « J'avais besoin - dit-elle – de prendre la parole, de prendre position et de m'engager. »

Le 1er mars, en marge de son exposition, Sophie Degano propose une conférence. « Je ne me positionne pas en tant qu'historienne, bien sûr – dit-elle encore – mais en tant qu'artiste et je tente d'expliquer l'invisibilité de ces femmes dans l'Histoire en prenant appui sur mes gravures. »

Geneviève ROY

Pour aller plus loin :

Exposition « Grâce à elles » jusqu'au 24 mars à Brest à la Médiathèque des Capucins aux côtés des Culottées de Pénélope Bagieu - conférence de Sophie Degano le vendredi 1er mars à 18h 30 et atelier d'initiation à la gravure le 16 mars à 14h 30 sur inscription.

Voir aussi le livre « Grâce à elles » qui reprend les soixante gravures et les textes de Sophie Degano publié en 2016 aux éditions Ex-voto avec une préface d'Elisabeth Badinter.