C'est une priorité de la rentrée des classes pour le ministère de l'Education Nationale. L'année 2013 a été définie comme une année de mobilisation pour « l'égalité entre les filles et les garçons à l'école ».
Mais pour la Bretagne, qu'est-ce que ça change ?

En effet, comme le rappelle Nicole Guenneugues, chargée de mission pour l'Académie de Rennes, « la question est prise en compte dans la continuité depuis les années 80 ». Faut-il en déduire qu'il ne reste plus rien à faire ? Bien sûr que non. Et au contraire, cette attention portée par les plus hauts responsables nationaux est l'occasion de relancer la dynamique en Région. « On a toujours besoin de prouver qu'on est légitime » reconnaît Nicole Guenneugues qui se réjouit du soutien ainsi apporté par le ministère.
L'Académie de Rennes va donc mettre à profit cette année pour reprendre la convention signée en 2010 avec quelques partenaires dont la Région, la Draaf, la Préfecture et les quatre conseils généraux, solliciter à nouveau les collectivités locales les moins motivées et rendre plus visibles les actions déjà menées dans les établissements scolaires.
Pour Nicole Guenneugues, le « maillon faible » est de faire connaître le dispositif dans les établissements. Cette rentrée est donc l'occasion d'une campagne de communication qui s'appuie sur une affiche (notre photo) et incite chaque chef-fe d'établissement à mettre en place un-e référent-e égalité en charge du dossier ce qui pour l'instant ne concerne qu'environ 30% des établissements, public et privé confondus.
Depuis cette nouvelle rentrée scolaire, « les oreilles sont un peu mieux ouvertes » dit encore la chargée de mission de l'Académie évoquant des demandes de formation émanant par exemple d'un groupe d'infirmiers-ières du Finistère.
« On est entouré de gens qui pensent qu'on ne peut rien faire. Je crois au contraire qu'il faut s'emparer de cette fenêtre ouverte par le gouvernement pour faire comprendre qu'il ne s'agit pas d'une chose en plus, à côté, mais que ça imprègne tout ce qui se joue ailleurs. Ca concerne le contenu des enseignements mais aussi la façon dont on gère un établissement. Chacun-e, enseignant-e, CPE, infirmier-ière, etc. doit se demander comment dans sa pratique professionnelle il-elle peut faire bouger les choses. Il y a encore beaucoup de freins, mais il faut arriver à faire comprendre que tout le monde y gagne, les filles ET les garçons. »

Geneviève ROY

Voir aussi le site dédié ABCD de l'égalité

 

Avec les femmes, l'agriculture est appelée à se renouveler. Elles sont souvent plus inventives que les hommes mais aussi plus isolées. L'AFIP Bretagne, consciente de leur problématique spécifique, leur propose des temps de formation et les invite à prendre la parole lors de rendez-vous animés par Camille Botella.

Les femmes seraient plus sensibles que les hommes à l'agriculture biologique. On les dit plus motivées par les questions de santé et d'environnement. C'est ce qui ressort des chiffres de la région Bretagne que Camille Botella, animatrice et formatrice à l'AFIP, pose comme constat pour expliquer pourquoi l'organisme qui l'emploie s'intéresse particulièrement au rôle et à la place des femmes en agriculture. « On va lancer une enquête pour valoriser le travail des femmes en agriculture » dit-elle mais elle peut déjà avancer certains chiffres. «Parmi les agriculteurs de moins de quarante ans, on a une sur-représentation des femmes en production biologique ; 9% des femmes cheffes d'exploitation sont en bio contre 4% des hommes. » Mais ce n'est pas tout ; avec les femmes, on parle aussi d'innovation, de nouvelles filières (ventes directes à la ferme, transformation des produits, ferme pédagogique, etc.). Aujourd'hui, 17% des femmes sont en circuit court contre 11% des hommes et 14% ont développé au moins une activité de diversification (contre 7% des hommes).Camille Botella AFIP-2

Malgré tout quand Camille Botella rencontre des femmes agricultrices c'est souvent pour évoquer leurs nombreuses difficultés à faire leur trou dans cette profession encore largement masculine. « Elles ont toutes des problèmes de statut – explique-t-elle – elles ne savent pas le choisir ou le choisissent mal ; parfois, elles n'en ont pas du tout. Toutes ces questions qu'on croyait déjà traitées depuis longtemps ont encore du mal à avancer. » Et c'est pour elle, une exigence professionnelle : « on doit rester vigilants car on n'est plus dans la transmission familiale en agriculture et toutes ces évolutions dans les profils agricoles notamment en agriculture biologique risquent de creuser de nouvelles inégalités. »

Si on en parlait

La première réponse de l'AFIP mise en place depuis un an, c'est le Café Parlotte. Un titre qui a été difficile à trouver et qui aujourd'hui fait polémique. Certain-e-s reprochent à l'AFIP d'utiliser un stéréotype en associant les femmes au bavardage. Pour sa défense, Camille Botella invoque le titre plus « officiel » du projet : les cafés CARMA pour « contribution des agricultrices au renouvellement des métiers agricoles ».
Mais au-delà des mots, c'est bien de parler justement dont ont besoin les femmes de l'agriculture, souvent isolées et confrontées comme les autres femmes et parfois plus qu'elles à un univers d'hommes.
En un an, quatre « Cafés Parlotte » ont permis à une trentaine de femmes, souvent jeunes, de se rencontrer afin d'échanger sur leurs difficultés et leurs questions. Un lieu de parole voulu pour créer des liens entre femmes sur un territoire et qui voit émerger de nouvelles pistes d'action.
Pour l'AFIP Bretagne, ces « cafés » ne sont que le début d'une histoire à construire. Des discussions ont émergé les préoccupations des femmes, des thèmes qu'elles souhaitent approfondir, « une envie d'aller plus loin, d'être informée sur leurs droits. »
Et l'AFIP tente d'y répondre en organisant des conférences, en faisant circuler des brochures, etc. Dans les semaines qui viennent, le salon de Guichen du 11 au 13 octobre - « la terre est notre métier » pour les professionnels et « Ille et Bio » pour le grand public - sera l'occasion de deux nouveaux rendez-vous : le samedi un Café Parlotte sur la parentalité à 17h 30 et le dimanche à 13h 30 une conférence sur l'indépendance économique et financière des femmes en agriculture.
Des formations sont aussi programmées notamment sur "la répartition des tâches et des rôles dans la ferme quand on travaille en couple", une formation à laquelle bien sûr les deux membres du couple doivent participer. Et puis, pour les femmes seules un temps de réflexion sera proposée fin 2013 ou début 2014 sur l'accès aux responsabilités.

Geneviève ROY

Aller plus loin : le dossier complet sur la place des femmes dans l'agriculture et notamment la question des statuts sur le site de la France Agricole (sur abonnement)

 

Nathalie Marchand est productrice de porcs à Noyal sur Vilaine, près de Rennes et élue à la Chambre régionale d'agriculture de Bretagne, première région agricole de France. Ce métier d'agricultrice, elle l'a choisi avec toute la détermination dont elle sait faire preuve, malgré les obstacles et les avis contraires. Avec le soutien de certains hommes, aussi.

Sa mère était agricultrice parce qu'elle avait épousé un agriculteur. Nathalie, elle, a choisi ce métier bien décidée à l'exercer à part entière. « J'ai toujours eu envie d'être agricultrice, c'était viscéral – confie-t-elle – mais je voulais être toute seule pour gérer à ma manière. » Et puis, la vie en a décidé autrement ; au lycée agricole, Nathalie rencontre un garçon qui partage ses convictions et ils sont aujourd'hui agriculteurs ensemble, à part égale. Et toutes les décisions sont prises à deux. Y compris lorsqu'il s'agit de signer un bon de commande. « Je fais beaucoup rire les gens – raconte Nathalie – quand je dis que j'ai exigé une clause pour qu'on soit impérativement deux à signer les bons de commande supérieurs à 5000 € parce que ça engage l'exploitation et pourtant les vendeurs de matériel agricole sont toujours pressés de faire signer mon mari mais jamais moi ! »

 

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Pour Nathalie, ce travail à deux est une chance. Un mot qui revient régulièrement quand elle parle de son mari. Pour son premier engagement syndical, elle doit partir quinze jours au Canada alors que son fils n'a que neuf mois. A ce moment-là déjà, c'est son mari qui la pousse à partir, prenant en charge la maisonnée ; et depuis, il est toujours là pour l'encourager. Evoquant la médaille du mérite agricole qui lui a été remise, Nathalie sourit : « c'est à mon mari et à mes enfants qu'il faudrait la remettre ! » Sans eux, en effet, elle avoue qu'elle baisserait parfois les bras. Mais dans les moments difficiles, quand elle se heurte aux idées moins progressistes d'un monde agricole encore très masculin, c'est son mari qui la remet sur les rails. « Tu es l'aiguillon qui les emmerde - lui rappelle-t-il – si tu pars tu vas leur rendre service » ou encore « bats-toi, si ce n'est pas toi qui en profite, ce seront les générations futures. »

Nathalie s'emploie en effet à défendre l'idée qu'un métier qui se prive de l'un des sexes est « un métier qui meurt ». Et si on lui parle de force physique, la réponse ne se fait pas attendre. « Quand une femme trouve une position alternative pour palier son manque de force physique ce sont aussi les hommes qui en bénéficient. » Elle dit encore : « avoir des femmes dans une équipe d'hommes, c'est une autre façon de penser et une autre conception des choses ». Dernièrement, un concepteur de matériel agricole lui avouait n'avoir jamais intégré de femmes dans ces bureaux d'études ; un manque qui irrite Nathalie, sûre que les techniques utilisées par exemple dans la conception des cuisines aménagées trouveraient tout à fait leur place dans d'autres domaines notamment l'agriculture et permettraient de rendre certains travaux moins pénibles pour les femmes mais aussi pour les hommes.

« Défendre le statut que maman n'a jamais eu »

Avant son mari, un autre homme a beaucoup compté dans la détermination de Nathalie : son père. « Je suis issue d'une famille très modeste – raconte-t-elle – J'ai commencé à travailler à 14 ans pour financer mes études. Et j'entendais souvent mon père dire que les syndicalistes ne défendaient que leurs propres intérêts alors je lui avais promis : si j'ai le bonheur de devenir agricultrice, je m'engagerai pour les femmes et pour défendre le statut que maman n'a jamais eu. »

Promesse tenue. Aujourd'hui, Nathalie est responsable de l'association Agriculture au Féminin et pense que son père est fier d'elle. Un père très présent dans son parcours qui l'a encouragée à poursuivre des études agricoles quand sa mère l'aurait plutôt vue faire de la couture et que toutes les conseillères d'orientation lui disait que ce n'était pas la place d'une femme. Difficile aussi de trouver des stages formateurs pour les filles à qui on réservait surtout les travaux ménagers et la traite des vaches ! Mais pour Nathalie, les obstacles se transforment toujours en motivation. Devenue agricultrice en 1998, elle n'oublie pas ses difficultés et décide de s'engager pour faire bouger les choses. Du syndicat elle passe à la chambre départementale puis à la chambre régionale de Bretagne, une région où les femmes représentent un tiers des actifs agricoles (soit environ 24 000 personnes).

« Je me suis toujours épanouie dans mon métier »

L'image de la femme agricultrice, Nathalie dit ne pas en souffrir aujourd'hui à 46 ans. « J'ai souffert de cette image quand j'étais enfant – dit-elle – mes copains de classe se moquaient de moi parce que j'étais fille de paysans et comme mes parents n'avaient pas trop les moyens, ça se voyait dans mes vêtements, mes loisirs, etc. » Et d'évoquer ce Père Noël injuste qui lui aussi faisait des différences et ne lui apportait jamais les cadeaux qu'elle souhaitait. Alors pour éviter ce type de déception à leurs enfants, Nathalie et son mari ont choisi d'élever leurs filles et leur fils, aujourd'hui âgé-e-s de 18, 20 et 22 ans, en toute transparence : «Ils ont toujours tout partager, nos problèmes financiers comme nos joies professionnelles». Et n'ont jamais cru au Père Noël ! Si aucun ne se prépare véritablement à reprendre l'exploitation puisqu'ils étudient tous les trois dans des domaines différents (droit des affaires, géologie, sciences de l'ingénieur) il leur arrive aussi de s'imaginer dans l'avenir poursuivant à trois le travail entamé par leurs parents.

« Je me suis toujours épanouie dans mon métier – explique encore Nathalie – parce que j'ai toujours su en parler aux autres. » Quand ses enfants fréquentent l'école maternelle ou élémentaire elle s'investit dans les associations de parents d'élèves et organise visites à la ferme et autres dégustations de produits laitiers ou de céréales. De même que ses enfants, tout petits, prennent l'habitude d'inviter des copains à la maison et de passer du temps dans la porcherie à jouer avec les petits cochons.

Cette image de femme heureuse et épanouie dans son activité professionnelle, Nathalie la défend au quotidien dans ses combats pour la reconnaissance des femmes en agriculture. Après des débuts un peu difficiles – elle n'oubliera jamais ce collègue lui conseillant de « retourner à ses casseroles » dans une réunion régionale – elle est devenue incontournable sur les questions d'élevage porcin en Bretagne et reconnaît avoir rencontré dans cette filière des hommes ouverts qui ont toujours vu d'abord ses compétences avant son sexe.

Geneviève ROY

Encourager l'entrepreneuriat féminin est un enjeu majeur de l'égalité entre les femmes et les hommes. Le plan présenté le 27 août par trois ministres Geneviève Fioraso, Najat Vallaud-Belkacem et Fleur Pellerin devrait permettre de mieux accompagner les projets des femmes et de leur faciliter l'accès à des financements. Objectif : 40% de femmes cheffes d'entreprises en 2017 contre 30% aujourd'hui.

Gaelle Vigouroux, Entreprendre au féminin BretagneEn Bretagne l'association Entreprendre au Féminin soutient les femmes qui souhaitent créer ou reprendre une entreprise. Pour Gaelle Vigouroux, responsable de la communication, il existe des motivations mais aussi des freins spécifiques aux femmes.

Pourquoi une approche différente pour les femmes ?

Aujourd'hui en France seulement 30% de femmes contre 70% d'hommes dirigent une entreprise. Les femmes créent moins d'entreprises et ne les créent pas de la même manière ni pour les mêmes raisons que les hommes. Or, si elles ont des motivations différentes, elles ont aussi des freins différents.

En Bretagne, par exemple, les femmes sont plus diplômées que les hommes mais quand elles entrent sur le marché du travail il est rare qu'elles trouvent un poste à responsabilités. Et au bout de trois mois dans l'entreprise on sent déjà une baisse de l'estime de soi parce qu'elles n'ont pas la place qu'elles rêvaient d'avoir dans la vie professionnelle. Un des premiers leviers sur lesquels notre association travaille est cette estime de soi. L'estime de soi, c'est quelque chose qu'on peut renforcer. A condition de trouver sur sa route des personnes bienveillantes qui vont non pas évaluer le projet mais juste écouter, comprendre qui est la personne et quelle est l'adéquation entre la femme et son projet parce que sans confiance il n'y a pas de projet.

Quels sont les freins qui font obstacle à la création d'entreprise par une femme ?

Les femmes ont un rapport au risque qui est différent des hommes. Quand un homme va se dire « je ne suis pas capable mais il y a une opportunité alors j'y vais ! » une femme se dira plutôt : « je ne suis pas compétente, je n'y vais pas. » Elles se positionnent le plus souvent sur des petites entreprises parce qu'elles ne veulent pas embarquer toute leur famille dans un risque financier. Mais du coup, elles ont beaucoup plus de difficultés à trouver des financements, parce qu'elles se sous-évaluent. Les banques prêtent plus facilement à quelqu'un qui présente un projet d'envergure avec des créations d'emplois à termes. Les femmes, elles, présentent souvent des petits projets dont la première ambition est de créer leur propre emploi. Autre spécificité, en général, elles créent plus tardivement, vers 30/35 ans, une fois que les enfants sont élevés et qu'elles peuvent libérer un peu de temps pour elles.

Quels types d'entreprises créent-elles ?

Les femmes créent dans tous les secteurs, mais il y a toujours une part d'innovation importante, qu'elle soit sociale ou technique ; elles sont d'abord motivées par l'envie de faire, de réaliser quelque chose, d'inventer. C'est pour cela, sans doute, qu'elles sont très peu nombreuses dans la reprise d'entreprises déjà existantes.

Quel accompagnement leur apportez-vous ?

Notre rôle à Entreprendre au Féminin, c'est de leur montrer qu'elles ont de la valeur. On ne regarde pas les chiffres, on regarde l'humain qui est derrière. On est aussi là pour leur dire parfois, les quelques années de trou dans votre carrière parce que vous avez eu des enfants, vous allez les valoriser. Quand on a élevé des enfants pendant quatre ans, on n'a pas rien fait ! On a été dans une association, on a travaillé avec l'école, on a monté des projets, géré des agendas et des budgets, organisé des choses et tout ça c'est une valeur ajoutée pour créer une entreprise.

Avec les candidates à la création d'entreprises, nous allons aussi accompagner tout ce que passer du salariat à l'entrepreneuriat va changer dans leur vie personnelle. La conciliation des temps de vie revient souvent dans leurs questionnements ; c'est souvent à la fois une motivation et un frein. Il faudra sans doute mettre en place une organisation différente : se faire livrer les courses, rediscuter les rôles familiaux, etc. Mais les enfants grandissent alors avec un autre schéma féminin et un autre schéma masculin, un autre partage des tâches, et finalement c'est très bon pour nos générations futures.

Et une fois l'entreprise créée, comment restez-vous en contact ?

Nos ateliers d'émergence de projets fondés voilà dix ans dans le Finistère existent maintenant dans les trois autres départements bretons. Ce sont des lieux de paroles mais aussi des lieux de mise en réseau. Le plus gros problème de la créatrice d'entreprise c'est qu'elle n'est pas expérimentée en tout ; c'est bien d'avoir un réseau d'autres personnes pour mutualiser l'expérience et les compétences. C'est aussi ce que nous proposons par la suite aux femmes cheffes d'entreprises dans des soirées de formations et d'échanges.
Pendant des années, les femmes pour avoir des responsabilités ont gommé leur identité de femmes, aujourd'hui, ce que nous voulons c'est à la fois assumer l'identité, partager les rôles familiaux et se faire reconnaître dans les milieux économiques avec nos bonnes idées.

Geneviève ROY

Des femmes qui accompagnent des femmes. C'est le beau projet mis en place en 2006 par la Maison Internationale de Rennes (MIR) et qui depuis début 2013 prend une dimension régionale. Après des aléas financiers – manque de subvention – et un temps de jachère, le projet intitulé « Marrainage » connaît un nouvel essor depuis l'organisation par la Délégation Régionale aux Droits des Femmes et à l'Egalité, des séminaires « Femmes d'ici et d'ailleurs » dans les quatre départements bretons.
Car derrière le terme de « marrainage » c'est bien de rapprochement entre des femmes de cultures différentes qu'il est question.

Fin juin, à l'occasion de la première rencontre régionale du projet, Ghania Boucekkine, vice-présidente de la MIR, soulignait que le « marrainage » consiste à créer « un réseau de solidarité de femmes au service de la lutte contre la double discrimination de genre et d'origine. »

Parce qu'elles sont femmes et parce qu'elles sont étrangères, trouver un travail ou prendre une place dans la vie politique et associative en France comporte pour les migrantes de nombreux obstacles.

Un échange de femme à femme

Des projets de parrainage existent dans nombre d'associations où ils sont très largement portés par des hommes. Si celui de la MIR peut être considéré comme innovant c'est bien parce qu'il met en avant le rôle de femmes en responsabilité (entrepreneuriale, politique ou associative) qui souhaitent mettre leurs compétences et leurs carnets d'adresse à la disposition d'autres femmes en manque de repères dans une société dont parfois elles méconnaissent les codes. L'échange de femme à femme semble plus facile et plus sécurisant.

Aujourd'hui en Bretagne, ce sont 25 duos qui existent dans les quatre départements et autant de femmes, jeunes ou moins jeunes, qui sont accompagnées dans leur projet professionnel qu'il s'agisse de recherche d'emploi, de suivi de formation ou de création d'entreprise.

Passerelle entre université et travail

Pour leurs marraines c'est une façon certes d''exprimer leur solidarité mais aussi de se questionner elles-mêmes sur leurs propres pratiques en matière d'exercice de responsabilités. A l'image de Dominique, consultante en communication et ressources humaines, marraine de Rajaa, jeune marocaine, qui souhaite faire des passerelles entre le monde universitaire que fréquente sa filleule et le monde du travail. « C'est une façon – dit-elle – de rendre ce que j'ai pu apprendre toute seule notamment sur le plan de la méthodologie. J'aurais bien aimé moi aussi être accompagnée comme cela ».

De son côté, la filleule reconnaît tout ce que lui apporte leurs rencontres mensuelles. « Avant je partais un peu dans tous les sens ; j'ai appris à aller à l'essentiel.» Sans oublier naturellement l'échange interculturel au cœur du projet. « Elle me parle aussi du Maroc » sourit Dominique. Tandis que Rajaa avoue être à la recherche d'une recette de pain marocain adaptée à une machine à pain électrique !

Geneviève ROY

AGENDAS

Pour lancer officiellement le réseau régional "marrainage" des rendez-vous sont programmés en septembre : le 16 au CIDFF de Saint-Brieuc, le 17 à Brest, le 19 à la MIR à Rennes et le 26 à Vannes. Plus d'infos sur le site de la MIR

 

 Un jour voilà quarante ans, elle s'est posée la question sur un trottoir : « qu'est-ce qu'elles deviennent ces jeunes femmes prostituées ? » Et Marie-Renée Jamet a choisi une réponse toute simple : être à leurs côtés. Depuis, elle milite pour le Mouvement du Nid et est devenue LA figure du Nid 56 à Lorient.

Marie-Renée Jamet

 

C'est sans doute parce qu'elle a passé la plus grande partie de sa vie à s'occuper des autres que Marie-Renée Jamet est tellement réticente à parler d'elle-même ! Pourtant dans les milieux féministes de Bretagne, c'est une personnalité qui compte.

Si elle est aujourd'hui déléguée départementale du Mouvement du Nid pour le Morbihan, son engagement auprès des personnes prostituées n'est pas nouveau.

« J'ai commencé à militer très jeune » explique t-elle. Après un passage à la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne) et un engagement syndical, Marie-Renée, jeune infirmière participe en 1971 à la création de la section du mouvement du Nid à Tours.

C'est pour elle une grande découverte, celle de personnes en souffrance, qu'elle fait un peu par hasard lors d'une de ses tournées d'infirmière à domicile. Elle est alertée par les dépenses fastueuses que semble faire une famille pourtant très pauvre. Les voisins lui révèlent qu'il y a deux filles dans cette famille et qu'ils les voient sortir tard le soir.

Marie-Renée entame alors une petite enquête qui la conduit directement sur les lieux de prostitution. Très rapidement, elle est convaincue qu'il faut venir en aide à ces jeunes femmes. Alors, elle téléphone au mouvement du Nid qui vient de se restructurer à Paris. La réponse est claire : regroupez quelques ami-es et fondez votre section locale. Voilà qui est fait.

L'important : être là

Depuis plus de quarante ans donc, Marie-Renée Jamet se dévoue au service des personnes prostituées et plus largement au service de la prévention.

Pour elle le cœur de l'action c'est simplement « être là ». Dans les nombreuses rencontres qu'elle a vécues durant toutes ces années, c'est pour elle l'essentiel : « On est présent avec les personnes pour accueillir ce qu'elles veulent bien nous confier, vivre avec elles la dureté de la prostitution, l'exploitation qu'elles vivent, leurs angoisses, leur détresse. »
Un action de plus en plus difficile à vivre aujourd'hui depuis la loi Sarkozy de 2003 qui sanctionne le « racolage passif ».

« La loi de 2003 a voulu nettoyer les trottoirs – commente Marie-Renée Jamet – mais elle n'a pas réglé les problèmes, bien au contraire. On sait que la prostitution existe toujours mais maintenant elle est cachée. Il y a des bars à hôtesses, des petites annonces, Internet, etc. Chez nous à Lorient, on ne voit plus les personnes. Pour moi, c'est une souffrance de ne plus les rencontrer. Plus personne n'est là pour leur dire : si vous avez besoin, on peut vous aider. »

Alors, avec son association, elle se consacre à la prévention. Les deux publics de prédilection sont les jeunes – collégiens ou lycéens – et les travailleurs sociaux.

Chaque année scolaire, le Nid 56  rencontre environ 2000 jeunes dans les différents établissements scolaires du Morbihan pour les inviter à réfléchir sur leurs relations entre filles et garçons. « Ce qui est en cause dans la prostitution - explique la vieille militante - c'est une relation de domination de l'homme sur la femme, ou en tout cas sur le plus faible car il existe aujourd'hui 30% de prostitution masculine. Donc, on commence comme ça avec les jeunes parce que c'est ce qu'ils vivent aujourd'hui dans leurs relations qui va préparer leurs relations de couples de demain et leur position d'hommes et de femmes dans la société de demain ».

Une France qui avance

Au cœur d'un univers pourtant sombre, Marie-Renée trouve une occasion d'être optimiste : le travail commun réalisé ces dernières années par un collectif d'une quarantaine d'associations. « Ca, ça va dans le bon sens ! » se réjouit-elle. Elle évoque la « grande réunion à l'Assemblée nationale en février 2010 » suivie de la mise en place d'une commission de travail, dirigée par Danielle Bousquet, députée des Côtes d'Armor voisines, et Guy Geoffroy, le document de travail qui en est sorti et la Convention Abolition 2012. Des signaux forts pour elle qui montrent que la question est aujourd'hui prise au sérieux.

En attendant que les propositions de loi aboutissent, Marie-Renée Jamet continue son travail de fourmi à Lorient et ailleurs

Geneviève ROY

Retrouvez une interview vidéo de Marie-Renée Jamet sur le site Histoires Ordinaires

Pour aller plus loin sur ce thème : Le plus vieux "métier" du monde ? de Claudine Legardinier - éditions Les points sur les i - 2012 - 12 €