Les Bretonnes sont à l'honneur. Depuis quelques mois, plusieurs ouvrages sont parus sur des femmes trop peu connues voire pas connues du tout. Les habitué-e-s de notre rubrique Histoire(s) en retrouveront certaines.

Des hommes qui écrivent sur des femmes pour une plongée dans l'histoire de la Bretagne. Une bonne nouvelle pour le Matrimoine régional.

 

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L'une était considérée comme la nouvelle Comtesse de Ségur et à travers ses livres voulait participer à l'éducation des jeunes filles. Une autre se retrouva reléguée à Cayenne pour le vol d'un morceau de nourriture parce qu'elle avait osé tenir tête au président du tribunal. Toutes les autres, près d'une centaine recensées ici, ont à leur mesure et à leur époque, contribué à l'écriture de la culture et de l'histoire bretonnes.

Fières d'être Bretonnes

Joséphine Pencalet, Clotilde Vautier, Nathalie Lemel... Elles n'ont pas fini de nous rendre fières toutes ces Bretonnes ! Dans la collection « Femmes dans l'Histoire » des éditions Sutton - ex éditions Alan Sutton, créées à Rennes en 1993 et rachetées depuis – le Morbihanais Jean-Yves Le Lan retrace les parcours de plus de 90 femmes classées par ordre chronologique de Brigit, la petite déesse, à Nathalie Appéré, première femme maire de Rennes, de la légendaire Guenièvre à la résistante Jeanne Bohec morte en 2010. Scientifiques, sportives, militantes syndicales, artistes ou femmes politiques, c'est avant tout l'esprit d'indépendance qui marque tous ces parcours de femmes.

Le point commun entre Séraphine Rabardel ou Marie Le Glac Salonne, « suffragettes » des Côtes du Nord, Virginie Hériot, championne olympique en 1928 et Irène Frachon, « lanceuse d'alerte » en 2009 ? Elles ont « bousculé les préjugés, provoqué les bien-pensants et conquis des domaines réservés aux hommes » ! Des modèles à faire connaître !

 

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Marie-Corentine s'en va au bagne

L'histoire de Marie-Corentine débute à Quimper et s'achève à Cayenne. C'est son descendant, Jean-François Tifiou qui la retrace dans une époque « où les pauvres n'ont aucun droit » sinon celui de travailler et se taire. Elle est née du mauvais côté, alors elle subira une justice sans pitié.

« Marie-Corentine se retrouve au tribunal, cette fois pour un vol à l'étalage et elle ne doit pas compter sur la clémence des juges. Elle mendiait comme d'habitude au marché, mais les donneurs sont de plus en plus rares. (...) Et d'un seul coup, sortant de ses gonds, Marie-Corentine qui d'habitude ne dit rien s'emporte : "Mais qui êtes-vous pour me juger ? Que savez-vous de ma vie, du chemin qui m'a menée jusqu'ici ?" (...) Le juge tonne (...) Elle est en colère et finit par l'insulter. (...) Il assène : "Vous servirez d'exemple ; je vous condamne à trois mois et un jour de prison, puis à la relégation en Guyane Française." »

Parce qu'elle avait faim et voulait donner à manger à son petit garçon, mais surtout parce qu'elle a osé tenir tête au juge tout-puissant, la jeune femme doit quitter définitivement son pays, son enfant, et vivre désormais dans l'enfer du bagne. Au-delà de l'histoire singulière de son aïeule, l'auteur s'attache à décrire un monde, une époque, un contexte social où seul l'alcool fait oublier l'injustice et la misère. D'une histoire terriblement sombre, il fait un joli livre engagé, poignant qui saura (ré)alimenter nos indignations sur des injustices encore trop souvent d'actualité !

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Une certaine vision des filles

Si on a complètement oublié son œuvre aujourd'hui, Zénaïde Fleuriot fut pourtant considérée à son époque comme « la nouvelle comtesse de Ségur ». Dans ses livres pour enfants – pour jeunes filles essentiellement - elle a à cœur de véhiculer des principes d'éducation morale et chrétienne qu'elle estime indispensables à l'édification de « parfaites épouses et de bonnes mères ».

Sa vision du rôle des filles, et des femmes par la suite, reste très ancrée dans l'éducation religieuse et provinciale qu'elle a reçu de son père. « C'est à nous, femmes, qu'il appartient de faire vivre les autres, de prévenir leurs besoins, de satisfaire leurs goûts » écrit celle qui toute sa vie pourtant aura été indépendante, travaillant très jeune en Bretagne comme préceptrice, puis poursuivant à Paris sa « carrière » littéraire dans plusieurs journaux dont un qu'elle dirigera durant quatre ans avant de fonder une école professionnelle pour jeunes filles.

Dans son livre, Daniel Carfantan, lui-même breton et habitué du Locmariaquer cher à Zénaïde Fleuriot, ne se contente pas de raconter la vie de la romancière bretonne du 19ième siècle. Après une brève biographie largement illustrée d'extraits des ouvrages de Zénaïde Fleuriot, il analyse dans le détail ses écrits notamment à travers ce qu'elle montre de la société bretonne, des événements politiques mais aussi des autres écrivain-e-s comme Hugo, Zola, Dumas ou encore George Sand dont elle dit : « son style est superbe, mais ses conceptions sonnent faux. »

Geneviève ROY

Pour aller plus loin :

Femmes dans l'Histoire, Bretagne de Jean-Yves Le Lan, éditions Sutton – 20 €
Zénaïde Fleuriot, une romancière bretonne du 19ième siècle de Daniel Carfantan aux éditions d'art Henry des Abbayes – 19 €
De Quimper à Cayenne, le singulier destin d'une Bretonne de Jean-François Tifiou aux éditions Feed Back – 19 €