En cette période de confinement national (et plus) on peut avoir l'impression que tout s'est arrêté. Que seul subsistent le virus qui nous menace et celles et ceux qui travaillent soit à le combattre soit à nous permettre de vivre au mieux cette crise.

Pourtant, quelque chose ne change pas ; les bébés qui s'annonçaient pour ce printemps continuent à naître. De quoi angoisser les parents et compliquer la tâche des soignant-es au premier rang desquel-les les sages-femmes.

« C'est exceptionnel, les choses nous dépassent et on fait au mieux » nous confie Christiane David .

 christiane

 

 

Questions à Christiane David, sage-femme à la clinique de la Sagesse à Rennes et intervenante à l'école des sages-femmes de Rennes

 

Qu'est-ce que l'épidémie de Covid 19 change dans le travail des sages-femmes ?

Christiane David - Pour l'instant en Bretagne, ça ne change pas grand chose parce que la situation est assez stable. A Strasbourg, par exemple, où la crise a été terrible, même les étudiantes sages-femmes ont été mises à contribution pour l'accueil des malades. A Rennes, les services de réanimation ne sont pas débordés même si on commence à y recevoir des gens venus d'ailleurs. Pour l'instant, les accouchements ont lieu comme prévu ; chaque maternité est en mesure d'accueillir les futures mamans suivies et de les orienter vers le CHU si la situation médicale l'exige. Aujourd'hui, la seule chose qui change dans nos pratiques c'est qu'il faut s'habiller différemment, se masquer et ça prend beaucoup de temps !

Existe-t-il un risque de contamination pour le bébé ?

Christiane David - Non, le bébé est protégé. En Chine, on n'a retrouvé aucune trace de Covid dans le liquide amniotique, le cordon ou le placenta ni chez les nouveaux-nés. Par contre, à la naissance, le bébé peut être contaminé par sa mère si elle-même est malade. C'est pourquoi, en Alsace, par exemple, on a dû pratiquer de nombreuses césariennes. Il faudrait faire des tests à toutes les patientes, mais c'est la pénurie... En Corée, ils testent tout le monde et en dix minutes ils ont les résultats ! Et c'est eux qui sont les moins touchés. Ils ont des masques, ils ont des tests ! Pour nous, c'est compliqué ! On préconise donc aux mamans de porter des masques et de bien se laver les mains avant de toucher leurs bébés.

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Faut-il autoriser les papas à assister aux accouchements ?

Christiane David - Interdire les pères aux accouchements peut se justifier. Le virus se transmet par contact et justement le confinement permet d'avoir le moins de contacts possibles. Mais à Strasbourg, notamment, les pères n'ont jamais été interdits parce qu'on a considéré que ça pouvait générer des effets délétères comme un stress maximum, moins de réassurance pour la maman et du coup des accouchements plus difficiles.
A la Sagesse, aucune visite n'est plus autorisée. Pour les papas, on a fait le choix de les accepter lors de l'accouchement et pendant deux heures après l'arrivée du bébé. Ensuite, ils sont sommés de rentrer chez eux pour ne revenir qu'à la sortie de la maman et du bébé, deux jours après. La propagation du virus se fait par le contact, s'il n'y a pas le père, c'est un contact en moins, et pour la mère, et pour le personnel !

Certains couples dit-on s'orienteraient vers des accouchements à domicile, qu'en pensez-vous ?

Christiane David - Dans une certaine mesure, en matière d'infection - je parle uniquement en matière d'infection et dans les cas de grossesse sans risque particulier - c'est presque le lieu le plus sûr ! Par contre, il faut trouver une sage-femme qui accepte ; ce qui ne va pas être simple ! Je pense qu'il y a des couples qui vont accoucher seuls ; il n'y en aura pas beaucoup, mais il y en aura quelques-uns. Le vrai problème, c'est que les gens entendent plein d'informations différentes, qu'ils se réfèrent à différents réseaux qui sont plus ou moins fiables, et ça génère de l'angoisse !

Qu'est-ce qui va changer pour les couples qui préparent depuis des semaines la venue de leur bébé à la maison de naissance Parent'heiz ?

Christiane David - Pour l'instant, Parent'eizh fonctionne normalement mais s'il y avait un manque de personnel ou un afflux de patientes, les choses pourraient changer. Des gens qui ne se sont pas du tout préparés à Parent'eizh pourront venir accoucher à Parent'eizh parce qu'une salle sera disponible et qu'elle sera transformée en salle d'accouchement classique et vice versa ; des gens de Parent'eizh iront accoucher dans la filière classique ; c'est vraiment exceptionnel, les choses nous dépassent tous et on fait au mieux ! On les accompagne là-dessus. J'ai appelé à peu près une trentaine de couples pour leur donner les informations. J'ai trouvé des gens un peu inquiets mais dans une juste mesure, pas débordés par l'angoisse. Certains avaient plus de questions que d'autres, mais quand on peut répondre à leurs questions, ça les rassure. Il suffit de leur dire que le contexte fait que l'idée de départ et l'accompagnement qu'on avait prévu sont un peu remis en question, mais que ce n'est pas grave, qu'on sera là et qu'ils seront en sécurité et accompagnés.

Propos recueillis par Geneviève ROY