planning2Début juin, à Rennes, le Mouvement Français pour le Planning Familial (MFPF) réunissait plus d'une centaine de bénévoles venu-e-s de toute la France pour un temps d'une université populaire destinée à préparer le prochain congrès de 2019.

L'occasion précise Mathilde Lefèvre, nouvelle présidente de l'association départementale d'Ille et Vilaine, de se « requestionner sur la place de l'éducation populaire » dans ce mouvement né à la fin des années 50.

Avec des pratiques diverses d'un département à l'autre, d'une région à l'autre, le MFPF est riche d'expériences de toutes sortes ; son prochain défi : aller vers de nouveaux publics !

 

 

Interview de Mathilde Lefèvre, présidente du Planning Familial 35 Rennes et Saint-Malo

Pourquoi l'Université Populaire du Planning Familial s'est-elle tenue à Rennes ? Est-ce un signe du dynamisme de la Région Bretagne ?

Les deux précédentes universités populaires avaient eu lieu à Grenoble et à Paris ; cette fois-ci la confédération nationale a lancé un appel aux associations départementales pour savoir qui avait envie d'accueillir et l'association départementale d'Ille et Vilaine s'est portée candidate parce qu'on est une association départementale qui marche plutôt bien et qu'on est investis au niveau de la confédération puisque Lydie Porée, l'ancienne présidente, est membre du bureau confédéral. Il s'agissait donc pour l'AD 35 de continuer d'être force de proposition.

C'était une façon aussi de reconnaître ce qui se fait dans l'Ouest, la dynamique et l'engagement des différentes associations départementales bretonnes avec une configuration très axée sur la place des bénévoles et l'accompagnement collectif tel qu'il est fait dans le Finistère, ce qui émerge dans le Morbihan avec la création fin 2017 d'une nouvelle association départementale 56 et bien sûr l'association départementale des Côtes d'Armor.

Les différences entre les associations départementales bretonnes illustrent assez bien la diversité de ce qui se fait dans le MFPF. Pour l'association départementale d'Ille et Vilaine Rennes et Saint-Malo, on a une belle équipe de bénévoles puisqu'il y a environ cinquante militant-e-s actif-ive-s qui sont engagé-e-s une ou plusieurs fois dans l'année dans des actions concrètes mais aussi une belle équipe de salarié-e-s avec presque onze équivalent temps-plein à travers vingt-sept personnes (médecins, psychologues, conseillères conjugales et familiales et fonctions support)... L'association du Finistère, elle, est organisée en quatre groupes locaux ( Brest, Concarneau, Douarnenez et Morlaix ) uniquement pris en charge par des bénévoles ; ce sont des militantes qui font les accueils, les permanences, etc. et qui tiennent absolument à ne rester qu'avec des bénévoles.

Planning1Forcément les outils ne sont pas tout à fait les mêmes quand il y a des salarié-e-s ou quand il n'y a pas de salarié-e-s et quand on se retrouve en grands groupes pour échanger ou lors des formations que nous proposons aux bénévoles breton-ne-s trois ou quatre fois par an, ces différences sont toujours riches !

Quels étaient les objectifs de cette université populaire ? Etait-elle ouverte au grand public ?

L'Université Populaire est un événement qui a lieu une année avant chaque rencontre du Congrès National du Mouvement Français pour le Planning Familial, c'est-à-dire à peu près tous les trois ans. En juin à Rennes, toutes les associations départementales, les fédérations régionales et la confédération nationale se sont retrouvées pour plancher sur plusieurs thèmes : la place de l'éducation populaire, les outils numériques, l'évaluation de nos actions notamment. Ces temps de travail n'étaient pas ouverts au grand public et pour les associations départementales, c'était même limité à deux participant-e-s par association parce que en fait il y a 76 associations départementales + les fédérations régionales + la confédération nationale, nous n'avions pas les moyens d'accueillir plus de personnes ; nous étions au total 130 participant-e-s.

Votre thème de réflexion principal concernait l'éducation populaire ; l'appartenance à ce courant éducatif est-elle en débat au sein de votre mouvement ?

Dès sa création en 1956, le MFPF s'est revendiqué féministe et d'éducation populaire, c'est inscrit dans ses statuts. Or, si le positionnement féministe aujourd'hui ne fait pas débat et paraît naturel pour tout le monde, il y a l'envie d'aller requestionner un peu ce qu'on met derrière l'éducation populaire, comment ça s'incarne dans nos actions, est-ce que c'est toujours bien quelque chose qu'on défend et qui est important pour nous. Nous souhaitons nous repositionner dans le milieu de l'éducation populaire comme un acteur essentiel.

Voilà un peu ce qui nous animait sachant qu'au niveau des associations départementales il y a des situations très différentes avec beaucoup de bénévoles ou très peu de bénévoles, beaucoup de salarié-e-s ou pas du tout de salarié-e-s et du coup des expériences vraiment diverses et riches dans les façons de rencontrer le public, de l'accueillir et de l'accompagner sur les questions de vie affective et sexuelle.

C'était l'occasion de faire un état des lieux de ce qui existe, un état des lieux des questions que ça nous pose : est-ce qu'il y a des publics qu'on ne touche pas notamment les publics les plus précaires, les femmes migrantes, les femmes racisées aussi ? Est-ce que ce n'est pas d'abord pour ces publics-là que notre association existe ? Et si on les touche, est-ce que ces publics sont aussi représentés au sein de la gouvernance ?

On observe, en fait, assez vite dans la plupart des associations départementales, pour ne pas dire toutes, qu'il y a quand même un sacré décalage entre les personnes qui siègent au sein des conseils d'administration et le public qui est accueilli ! Pour nous, le MFPF est un mouvement qui doit s'ancrer dans la société , pourtant, nous étions beaucoup de femmes blanches dans cette assemblée ! Se revendiquer d'éducation populaire c'est chouette, mais comment fait-on pour bouger en interne et atteindre davantage de diversités ? Comment fait-on aussi pour accueillir des jeunes, des étudiant-e-s ?

Vous êtes-vous donné des objectifs, des pistes d'actions, des moyens pour y parvenir ou est-ce que ce sera le travail du congrès l'an prochain ?

On a travaillé en ateliers le samedi et fait des restitutions le dimanche pour effectivement donner des pistes. Quelques associations départementales se sont positionnées pour expérimenter des actions. L'idée c'est que chacun-e puisse arriver au congrès en 2019 avec des propositions de motions à adopter.

Dans les pistes qui ont été retenues il y a la notion de « aller vers » plutôt que de « faire venir ». On avait un atelier sur « écouter et entendre les paroles des publics délaissés » et dans cet atelier on a notamment conclu que notre enjeu n'était pas de faire venir les personnes au Planning mais bien de nous mettre à leur disposition, à leur portée. Il nous a semblé, à l'issue des réflexions, que c'était comme ça qu'on pourrait nouer un véritable contact qui permette d'envisager une plus grande implication des personnes.

PlanningCette université vient confirmer le travail de notre association départementale. En Ille et Vilaine, on s'est engagés fin 2017 sur la notion de migrations et d'interculturalité avec l'envie de rendre nos actions plus visibles pour les femmes qui sont en parcours de migration ou qui sont arrivées en France et qui ont besoin de ressources.

Concrètement, par exemple, les « pots des bénévoles » qu'on organise actuellement pour accueillir des personnes qui s'interrogent sur ce qu'est le Planning ou comment le rejoindre se font le soir dans des bars du centre ville de Rennes ; ça fait déjà quelque temps qu'on se disait que pour toucher d'autres publics il fallait qu'on change notre mode d'accueil. Avoir rencontré d'autres associations départementales qui travaillent avec des centres sociaux ou avec d'autres associations comme ATD Quart Monde ou autres, ça donne un peu de grains à moudre à nos réflexions et ça nous ouvre un peu le champ des possibles ! On envisage donc désormais de se mettre en relation avec des centres sociaux pour organiser des événements décentralisés dans certains quartiers de la ville par exemple.

Propos recueillis par Geneviève ROY