Pendant des années, Rocio Guerrero s'est sentie « un peu comme... une extraterrestre ».

Et puis, un jour, elle a retiré son stérilet hormonal, ses règles ont recommencé leur cycle régulier et elle a eu l'impression de « retrouver [son] identité de femme ».

En prenant conscience du poids de ce cycle menstruel dans la vie des femmes durant de longues années, elle s'est aussi posé la question qui fâche : pourquoi était-ce à elle de supporter les contraintes – et les risques - de la contraception alors que dans son lit, ils étaient deux ?

Une réflexion qui a donné naissance à son « petit traité sur les règles et la contraception ». Pour elle deux choses sont essentielles à une vie sexuelle épanouie : une meilleure connaissance de son corps et un partage de la charge contraceptive.

Rocio

 

« Cet texte est devenu un exutoire à mes erreurs » écrit Rocio Guerrero en introduction de son ouvrage d'une centaine de pages que la jeune femme diffuse depuis quelques mois dans les milieux féministes de Rennes. « J'ai commis l'erreur d'avoir porté la charge toute seule – explique-t-elle – l'erreur de ne pas avoir respecté mon corps en l'intoxiquant avec des produits chimiques et l'erreur de ne pas avoir interrogé l'autre sur ces questions ».

Parce que dit-elle aussi elle « aurait aimé qu'on lui dise », elle a rédigé ce long texte, qu'elle a largement illustré elle-même en compagnie de sa fille aînée de 18 ans. Tout ce que ses propres réflexions lui ont permis de découvrir, elle a souhaité le partager.

Les règles, ces choses que les femmes ont caché pendant si longtemps qu'elles peinent encore pour certaines à en parler ouvertement, sont synonymes de moqueries lorsqu'on les a, parfois d'exclusion dans certaines sociétés ou à certaines époques parce qu'elles rendraient les femmes impures. Ne croyez-pas pourtant que lorsqu'elles disparaissent, tout s'arrange ; au contraire, avec la ménopause, les femmes se retrouvent sur la touche. Pour les corps des femmes, en fait, rien ne va jamais.

 

« On ne va pas être que victimes ;

c'est à nous de changer tout ça ! »

 

Pour Rocio Guerrero, les règles sont un « événement physiologique, social et symbolique ». Et c'est bien toutes ces facettes qu'elle décortique dans son « traité ». « Les menstrues – écrit-elle – rythment le quotidien des femmes, font le bonheur des industriels sans scrupules qui produisent et vendent des protections hygiéniques répugnantes et polluantes à des prix exorbitants ».

IllustrationEt si on peut imaginer qu'elles étaient là dès le début, les douleurs menstruelles ont dû attendre les années 1950 pour se voir reconnues dans un concept nommé par une médecin britannique, Katharina Dalton, qui inventa le SPM (syndrome prémenstruel). « On est dans une société patriarcale qui ne tient pas compte des femmes ni de leurs souffrances » regrette Rocio Guerrero.

Mais pas question pour elle de s'apitoyer ni de baisser les bras. Si être femme c'est devoir gérer ses règles, la solution n'est pas non plus dans une contraception « dangereuse » qui viendrait les anéantir au risque de notre santé. « C'est aussi notre responsabilité – clame-t-elle – on ne va pas être que des victimes, c'est à nous de changer tout ça ! » Et de proposer plusieurs pistes notamment celle de commencer par bien se connaître. Grâce à une méthode naturelle, la symptothermie, elle invite donc chacune à surveiller sa fertilité afin d'éviter la prise d'hormones susceptibles d'engendrer divers troubles et maladies.

 

« Si j'étais un homme,

je détesterais les féministes »

 

« C'est une observation quotidienne – défend-elle – il faut s'imposer une vraie discipline pour comprendre comment marche le corps ». Encore une affaire de femmes, donc ! Si elle évoque brièvement les méthodes de contraception proposées aux hommes (elles sont rares et peu connues), elle insiste néanmoins sur cet examen qu'elle souhaite partager avec le partenaire. « Ce serait bien - dit-elle encore – qu'arrive un moment où la paternité soit le problème de l'homme. Nous les femmes nous ne sommes fertiles que deux ou trois jours par cycle, alors que les hommes le sont tout le temps et sur une durée beaucoup plus longue dans leur vie ! Gérer la fertilité est une responsabilité de couple. »

« Si à la maison ou dans le lit on est égaux, on reproduira moins les inégalités ailleurs » plaide Rocio Guerrero qui s'amuse de sa récente expérience personnelle. Son conjoint devant s'absenter trois semaines, elle lui a demandé de se charger de tout à la maison durant les deux jours qui précédaient son départ. « Je me suis installée sur le canapé, j'étais tranquille, c'était bien » résume-t-elle ajoutant avec ironie : « j'ai vécu deux jours en tant qu'homme et aujourd'hui je les comprends mieux ; si j'étais un homme, je détesterais les féministes ! » En effet, pourquoi les hommes qui depuis toujours ont délégué aux femmes les questions de contrôle des naissances, revendiqueraient spontanément cette responsabilité ?

Les différentes méthodes de contraception mises en place pour les femmes ont pu apparaître comme une libération pour elles. Mais attention, prévient Rocio Guerrero que ça ne se transforme plutôt en « un nouveau modèle de prison ». Citant diverses études, elle s'alarme que chaque année en France plus de 3000 femmes subissent les effets indésirables de leur contraception hormonale dans la plus grande indifférence.

Geneviève ROY

Pour aller plus loin : lire le « Petit traité sur les règles et la contraception – Responsabilités sexuelles et reproductives : une affaire à partager à deux voire à plusieurs » de Rocio Guerrero en vente en ligne ou directement auprès d'elle en lui envoyant un message à : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.