Encourager l'entrepreneuriat féminin est un enjeu majeur de l'égalité entre les femmes et les hommes. Le plan présenté le 27 août par trois ministres Geneviève Fioraso, Najat Vallaud-Belkacem et Fleur Pellerin devrait permettre de mieux accompagner les projets des femmes et de leur faciliter l'accès à des financements. Objectif : 40% de femmes cheffes d'entreprises en 2017 contre 30% aujourd'hui.
En Bretagne l'association Entreprendre au Féminin soutient les femmes qui souhaitent créer ou reprendre une entreprise. Pour Gaelle Vigouroux, responsable de la communication, il existe des motivations mais aussi des freins spécifiques aux femmes.
Pourquoi une approche différente pour les femmes ?
Aujourd'hui en France seulement 30% de femmes contre 70% d'hommes dirigent une entreprise. Les femmes créent moins d'entreprises et ne les créent pas de la même manière ni pour les mêmes raisons que les hommes. Or, si elles ont des motivations différentes, elles ont aussi des freins différents.
En Bretagne, par exemple, les femmes sont plus diplômées que les hommes mais quand elles entrent sur le marché du travail il est rare qu'elles trouvent un poste à responsabilités. Et au bout de trois mois dans l'entreprise on sent déjà une baisse de l'estime de soi parce qu'elles n'ont pas la place qu'elles rêvaient d'avoir dans la vie professionnelle. Un des premiers leviers sur lesquels notre association travaille est cette estime de soi. L'estime de soi, c'est quelque chose qu'on peut renforcer. A condition de trouver sur sa route des personnes bienveillantes qui vont non pas évaluer le projet mais juste écouter, comprendre qui est la personne et quelle est l'adéquation entre la femme et son projet parce que sans confiance il n'y a pas de projet.
Quels sont les freins qui font obstacle à la création d'entreprise par une femme ?
Les femmes ont un rapport au risque qui est différent des hommes. Quand un homme va se dire « je ne suis pas capable mais il y a une opportunité alors j'y vais ! » une femme se dira plutôt : « je ne suis pas compétente, je n'y vais pas. » Elles se positionnent le plus souvent sur des petites entreprises parce qu'elles ne veulent pas embarquer toute leur famille dans un risque financier. Mais du coup, elles ont beaucoup plus de difficultés à trouver des financements, parce qu'elles se sous-évaluent. Les banques prêtent plus facilement à quelqu'un qui présente un projet d'envergure avec des créations d'emplois à termes. Les femmes, elles, présentent souvent des petits projets dont la première ambition est de créer leur propre emploi. Autre spécificité, en général, elles créent plus tardivement, vers 30/35 ans, une fois que les enfants sont élevés et qu'elles peuvent libérer un peu de temps pour elles.
Quels types d'entreprises créent-elles ?
Les femmes créent dans tous les secteurs, mais il y a toujours une part d'innovation importante, qu'elle soit sociale ou technique ; elles sont d'abord motivées par l'envie de faire, de réaliser quelque chose, d'inventer. C'est pour cela, sans doute, qu'elles sont très peu nombreuses dans la reprise d'entreprises déjà existantes.
Quel accompagnement leur apportez-vous ?
Notre rôle à Entreprendre au Féminin, c'est de leur montrer qu'elles ont de la valeur. On ne regarde pas les chiffres, on regarde l'humain qui est derrière. On est aussi là pour leur dire parfois, les quelques années de trou dans votre carrière parce que vous avez eu des enfants, vous allez les valoriser. Quand on a élevé des enfants pendant quatre ans, on n'a pas rien fait ! On a été dans une association, on a travaillé avec l'école, on a monté des projets, géré des agendas et des budgets, organisé des choses et tout ça c'est une valeur ajoutée pour créer une entreprise.
Avec les candidates à la création d'entreprises, nous allons aussi accompagner tout ce que passer du salariat à l'entrepreneuriat va changer dans leur vie personnelle. La conciliation des temps de vie revient souvent dans leurs questionnements ; c'est souvent à la fois une motivation et un frein. Il faudra sans doute mettre en place une organisation différente : se faire livrer les courses, rediscuter les rôles familiaux, etc. Mais les enfants grandissent alors avec un autre schéma féminin et un autre schéma masculin, un autre partage des tâches, et finalement c'est très bon pour nos générations futures.
Et une fois l'entreprise créée, comment restez-vous en contact ?
Nos ateliers d'émergence de projets fondés voilà dix ans dans le Finistère existent maintenant dans les trois autres départements bretons. Ce sont des lieux de paroles mais aussi des lieux de mise en réseau. Le plus gros problème de la créatrice d'entreprise c'est qu'elle n'est pas expérimentée en tout ; c'est bien d'avoir un réseau d'autres personnes pour mutualiser l'expérience et les compétences. C'est aussi ce que nous proposons par la suite aux femmes cheffes d'entreprises dans des soirées de formations et d'échanges.
Pendant des années, les femmes pour avoir des responsabilités ont gommé leur identité de femmes, aujourd'hui, ce que nous voulons c'est à la fois assumer l'identité, partager les rôles familiaux et se faire reconnaître dans les milieux économiques avec nos bonnes idées.
Geneviève ROY