titremetamorphose

Pour certaines, la métamorphose a commencé par la décision de se couper les cheveux ou de se faire tatouer ; pour d'autres c'était plutôt le moment de l'arrivée en Bretagne ou la naissance d'un enfant. Pour l'une d'elles c'était l'instant où elle a poussé la porte de la Maison des Femmes.

Tous ces petits et grands moments qui font basculer une vie – un divorce, un dépôt de plainte, une reconversion professionnelle ou une nouvelle couleur sur les murs – Aurélie Budor Le Minor a permis que ces femmes l'expriment ; avec leurs mots, avec leurs corps aussi et leur voix quand elles ont accepté de monter sur scène pour un spectacle pas comme les autres où l'émotion domine, émotion de celles qui disent mais aussi de celles et ceux qui entendent.

Depuis janvier 2024, la comédienne et metteuse en scène Aurélie Budor Le Minor anime des ateliers du théâtre de l'Opprimé à la Maison des Femmes Gisèle Halimi à Rennes. Chaque semaine, pendant quatre mois, des femmes accompagnées par le dispositif, se retrouvent autour de ce projet d'éducation populaire qui invite à travailler à partir de son vécu.

Avec ce groupe-là, Aurélie a souhaité aller plus loin, proposer une « création artistique complète » Et ce sont huit femmes qui ont embarqué pour cette Métamorphose. Par des jeux d'écriture ou des jeux d'expression corporelle, ce groupe intergénérationnel a pu dans « un cadre sécurisant » dépasser ses peurs.

« Un état plus émancipé, plus épanoui »

Certes, faire la démarche de venir à la Maison des Femmes est un premier pas important pour faire avancer sa vie et sans doute entamer une véritable transformation du quotidien. Mais ces épreuves-là resteront simplement suggérées. Ce qui compte finalement c'est ce qui se passe après les violences.

titremetamorphose« L'idée c'est de parler de ce que permet le collectif, l'acte de création. Il ne s'agit pas de les assigner comme des femmes victimes uniquement ; elles ont d'autres identités » défend Aurélie. En un temps très court – quatre fois deux heures – la professionnelle du théâtre a réussi à monter avec ces femmes, toutes volontaires, un spectacle complet : écriture de textes, lecture théâtralisée, danse. « Si on avait eu plus de temps – explique Aurélie – on aurait pu passer par une réécriture, mais en un temps si court, on a juste pris les textes bruts. »

Sur scène, les autrices-comédiennes ne disent pas forcément leurs propres textes ; c'est aussi avec les mots des autres qu'elles peuvent dire cette transformation positive qui les voit passer d'un état « un peu compliqué à un état plus émancipé, plus épanoui ». Une façon de mettre de la distance avec leur vécu mais aussi de reconnaître qu'elles ont beaucoup de choses en commun.

« Un lien très spécial qui les unit »

La plupart de ces femmes n'avaient jamais écrit ; certaines prétendaient même qu'elles ne savaient pas le faire. Aurélie a su leur donner confiance et elles ont trouvé entre elles le soutien et la bienveillance nécessaires pour s'exprimer. Un exercice « hyper valorisant » qui les rend fières aujourd'hui après deux représentations en public, dont une à l'Asfad en mars, devant leurs enfants parfois.

logoasfadmdfDe quoi donner envie à ces femmes de poursuivre l'aventure et d'approfondir leur métamorphose vers plus d'émancipation ; de quoi donner envie également à Aurélie Budor Le Minor de lancer dès l'automne un nouveau groupe vers une nouvelle création. Avec quelques-unes de ces femmes qui pourraient à leur tour accueillir et soutenir de nouvelles autrices-comédiennes.

« Ce n'est pas toujours facile, ça reste fragile mais il y a la force du groupe – confie Aurélie – Elles sont très solidaires et il y a entre elles un lien très spécial qui les unit, ça m'aide souvent et parfois ça me dépasse ! »

On ne peut s'empêcher de repenser à certaines phrases entendues au fil du spectacle : « je me sens légère, pleine de force : j'ai des ailes sur le dos » ou encore « on me voit maintenant quand on passe à côté de moi ; je suis heureuse d'être qui je suis au milieu des autres ! »

Geneviève ROY

Photo Aurélie Budor Le Minor : Lise Dua