Lors de la rencontre Femmes en Chemin de janvier dernier, Breizh Femmes recevait Brigitte Chollet, fondatrice et directrice de Réso’Forces. Avec elle, nous nous sommes entretenues du burn-out, une maladie qui n’a été nommée que récemment mais existe depuis longtemps. L’épuisement professionnel doit être pris au sérieux a rappelé Brigitte Chollet, elle-même victime voilà une quinzaine d’années. Il nécessite un accompagnement adapté et du temps pour se reconstruire et touche majoritairement les femmes.

Extraits de son témoignage

« Selon la définition de l'OMS, le burn-out est un écroulement cognitif, physique et psychologique lié au travail qui, un moment donné, va créer un empêchement de travailler. C'est un syndrome d'épuisement professionnel, ce n'est pas une pathologie mais ça peut le devenir si malheureusement on n'est pas accompagné. Et ce n'est pas une dépression.

Dans nos vies personnelles, il peut nous arriver à tous et toutes de traverser des moments plus ou moins faciles, de vivre des épreuves. On peut être fragilisé.e.s, avoir moins d'énergie, plus de fatigue, mais ce n'est pas pour autant qu'on va s'écrouler et se retrouver pendant un an ou deux ans en arrêt maladie. Le burn-out, c’est comme un immeuble qui se consume. On ne voit rien de l’extérieur mais ça brûle et d’un coup les murs s’effondrent.

Le burn-out et l'épuisement professionnel, c'est pareil. Souvent on entend « c'est beaucoup plus grave d'avoir un burn-out qu'un épuisement professionnel ! » non, c'est juste le même terme en anglais !

La définition exacte c'est un stress chronique de longue durée qui va créer à un moment précis cet écroulement cognitif, psychologique, physique, émotionnel. Des auteurs ont parlé d'épuisement professionnel il y a plus de quarante ans, mais en fait, ça ne fait que dix ans que c'est nommé par l'OMS. C'est récent et malheureusement, le terme est un peu galvaudé. On ne peut pas parler de burn-out à la première fatigue passagère , par contre, ça peut être les premiers signaux d'alerte à surveiller.

« Elles se sont construites, elles existent,
elles ont une reconnaissance,
par leur travail ! »

Les statistiques, aujourd'hui, montrent que les femmes sont plus impactées. Et que certaines personnes sont plus vulnérables et plus susceptibles d’être un jour touchées par un burn-out. Il s’agit des personnes très engagées dans leur travail, avec une grande conscience professionnelle, un haut niveau d'exigence, des personnes perfectionnistes pour qui la valeur travail est essentielle ! Elles se sont construites, elles existent, elles ont une reconnaissance, par leur travail !

Il est de la responsabilité de l'entreprise de repérer ces profils de personnalités et de les accompagner. Actuellement, 3,2 millions de personnes sont en arrêt maladie pour problèmes de santé mentale dans laquelle on inclut le burn-out ; un manager sur cinq est en arrêt pour épuisement professionnel. Avec une prédominance pour les femmes.

Pourquoi plus de femmes ? On n'a pas la réponse exacte ; ce qu'on note c'est qu'elles prennent en charge beaucoup de choses. Leur charge mentale est dans tous les champs : dans la sphère familiale et parentale mais aussi souvent au niveau associatif... Un autre constat que je fais dans mon association c'est que les femmes sont capables d'exprimer, d'aller voir le médecin pour dire « je n'en peux plus ». Elles ont appris à parler, à communiquer. On peut s’en réjouir pour elles, c’est sans doute ce qui les sauve.

Pour les hommes, il y a souvent un déni. C'est culturel ; l’homme va garder pour lui par peur – ou par honte - de paraître faible. Quand ils se décident à aller voir le médecin, les hommes ont souvent plusieurs mois voire plusieurs années de sur-adaptation. Ce qui peut les mener à des conduites addictives voire jusqu'au suicide. Sur la centaine de personnes déjà accompagnées par Réso'Forces, nous avons eu seulement cinq hommes qui d’ailleurs sont souvent venus grâce à leurs femmes.

«  On peut être sollicité.e.s constamment,
il n'y a plus de coupure entre la vie privée
et la vie professionnelle »

Le burn-out, une maladie moderne ? Non, ça a toujours existé mais en quantité moindre. Ça fait une quarantaine d'années qu'on parle des risques psycho-sociaux, des conditions de travail qui peuvent générer ce stress chronique.

On a eu un facteur aggravant avec la pandémie qui a révélé notre besoin de lien social et de respect dans le travail. Mais surtout, c'est l’accélération du rythme de travail, l’augmentation de la production ; plus de contrôle et moins de marge de manœuvre ! C’est le taylorisme ; tout est découpé, chacun a une fonction. On ne trouve plus de sens dans son travail.

On peut aussi pointer l'allongement de la durée de travail et l'arrivée du digital. On peut être sollicité.e.s constamment, il n'y a plus de coupure entre la vie privée et la vie professionnelle et quand on ne répond pas tout de suite à un SMS on se sent coupables !

Avec Réso’Forces, nous accompagnons beaucoup de personnes dans les métiers de la générosité, les métiers de l'engagement, les métiers du care : le social, le médico-social, la protection de l'enfance ; on a des infirmières, des médecins, des DRH, des enseignant.e.s... tous les gens qui prennent soin normalement des autres et qui se sentent impuissants dans le rythme et dans les exigences qui sont liées à leur travail. De plus en plus d’injonctions qui à la fois touchent aux valeurs qui font que la personne a choisi ce métier-là et génèrent chez elle un sentiment d'impuissance.

Le burn-out n'est pas qu’une affaire personnelle. Sont impactés non seulement la personne mais aussi l'employeur, la famille... c'est une affaire collective ! Si on comprend ça, on peut être plus dans la prévention, dans l'anticipation et avoir moins de conséquences. Les dégâts parfois sont considérables ; certaines personnes continuent à ruminer des phrases que des managers leur ont dites des années plus tôt ! »

Propos recueillis par Geneviève ROY

Pour aller plus loin : consulter le site de Réso'Forces

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