basketDans le gymnase récemment rénové, le bruit des dribbles résonnent. Derrière la porte, les parents discutent dans le hall en attendant Angélique, Adèle, Sandra et Estelle. Leur entraîneuse les observe pour savoir si ce soir tout va bien. L'une des jeunes joueuses n'est pas venue depuis plusieurs semaines ; les autres sont heureuses de la revoir. Elles ont repéré la voiture dès le parking et se réjouissent de ces retrouvailles.

Lundi, 18h, un entraînement de basket comme un autre quelque part à Rennes. Sauf qu'ici on ne parle ni de compétition ni de performance mais plutôt d'autonomie et de socialisation.

Bienvenue à l'ASCAR, l'Association Sportive et Culturelle Adaptée de Rennes.

Marie-Hélène Decouard, la présidente de l'ASCAR, était là dès le début de l'aventure voilà quarante ans. Educatrice, elle décide avec une collègue passionnée de sport, de fonder l'association pour permettre aux jeunes garçons et filles avec lesquels elles travaillent de pratiquer des activités. « A l'époque, ils ne sortaient pas beaucoup des établissements - raconte-t-elle aujourd'hui – il nous semblait important de leur faire rencontrer des gens en-dehors et de les rendre acteurs de leur propre vie ». Important aussi de fréquenter des endroits où ces jeunes n'ont pas l'habitude d'aller. « La première fois qu'on est venus dans un gymnase de la ville – se souvient encore Marie-Hélène Decouard – ils nous ont demandé : "mais, on a le droit, nous aussi ?" »

Les jeunes concerné.e.s, en effet, vivent à la marge. Ils et elles sont atteints de troubles psychologiques et/ou souffrent de déficience cognitive. Pour ce public tout est compliqué, y compris pratiquer une activité sportive. Compliqués aussi les déplacements qui nécessitent la plupart du temps la présence des parents. C'est pourquoi, explique la présidente de l'ASCAR, c'est un gros investissement de gérer une telle association. Dans le monde du handicap deux fédérations sportives existent ; pour le Handisport, ce sont les sportifs et les sportives qui prennent les choses en main. Mais pour le sport adapté qui touche un public fragile, il faut absolument que des valides veillent. Les parents le plus souvent sont aussi les bénévoles de l'association.

« Quelque chose qui est banal pour d'autres

peut être compliqué pour elles »

Course à pied, natation, patin à roulettes, au fil des années l'ASCAR a proposé de nombreuses disciplines à ses adhérent.e.s. Aujourd'hui, outre le théâtre pour la partie culturelle et les activités motrices et multisports pour les ainé.e.s, deux disciplines perdurent : le basket et le badminton. Le lundi soir dans un gymnase du quartier de Cleunay, c'est au basket que viennent jouer Sandra, Adèle et les autres. Pour les entraîner, l'Office des Sports de Saint-Jacques de la Lande met à disposition une professionnelle formée au handicap. Kerry Ann Carville n'a qu'une ligne de conduite : s'adapter.

basket2« J'arrive toujours avec une séance sur le papier – explique la jeune femme – mais parfois ça ne correspond pas du tout à la réalité ; je m'adapte en fonction d'elles, de leur fatigue. Elles n'ont pas toutes le même niveau, certaines jouent depuis trois ou quatre ans, d'autres ont commencé il y a quelques mois. Ce n'est pas comme un cours en milieu ordinaire ; quelque chose qui est banal pour d'autres peut être compliqué pour elles».

Peu importe les performances sportives, de toute façon, l'objectif de ces rencontres est ailleurs. «  Il n'y aucune notion de compétition, c'est une activité physique plus que du sport – nuance encore Kerry Ann Carville – l'objectif est de les faire bouger, de travailler leur motricité et d'apprendre à vivre ensemble. On suscite aussi des rencontres en dehors du basket, on fait des goûters... venir ici leur permet de gagner en autonomie et en confiance en elles. »

« On peut essayer un fauteuil roulant ;

la déficience intellectuelle, c'est plus compliqué »

Le côté collectif a toute son importance, rappelle de son côté Marie-Hélène Decouard qui souhaite ouvrir l'équipe à des femmes de milieu ordinaire. Entendons par là des femmes motivées par une activité physique mais peu attirées par les clubs où la compétition prend toute la place et qui cherchent une activité plus ludique. Actuellement, une seule jeune femme de ce type joue dans l'équipe et apprécie beaucoup ces rencontres. « Elle ne travaille pas du tout dans le milieu du handicap – commente Kerry Ann Carville – et elle adore venir ici et rigoler avec les filles ! » Une mixité profitable pour chaque partie et que l'ASCAR aimerait développer.

MHDecouardHélas, Marie-Hélène Decouard le sait, ce type de handicap fait peur et ça reste difficile de le rendre accessible au grand public. « On peut essayer un fauteuil roulant, mais essayer la déficience intellectuelle, c'est plus compliqué » déplore-t-elle regrettant de ne pas parvenir à attirer plus de joueuses non handicapées. « Il faut vaincre l'appréhension – défend la présidente de l'ASCAR – mais toutes celles qui sont venues, dès la première séance étaient ravies ! »

Dans le gymnase les filles tentent avec sérieux et application de mettre des paniers. Depuis qu'Estelle a découvert le basket, sa maman et son kiné sont d'accord pour dire qu'elle va mieux. Et si Angélique qui souffre d'autisme ne parle toujours pas, elle a appris à se faire comprendre juste avec son regard. L'entraînement se poursuit ; dehors la nuit est tombée.

Geneviève ROY

Pour aller plus loin : l'ASCAR est une association loi 1901, affiliée à l'Office des Sports de Rennes et à l'Office Jacquolandin des Sports ainsi qu'à la Fédération Française de Sport Adapté. Tous renseignements par téléphone au 02 99 07 44 22 ou 06 86 32 85 81 ou par mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

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