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 Si Jennifer Maupou est devenue cordonnière, c'est le fruit du hasard ; mais « un très bel hasard » estime-t-elle.

Pour cette jeune femme nouvellement arrivée en Bretagne, à la recherche d'un emploi, la rencontre avec ce métier est le début d'une nouvelle vie.

Elle y trouve de quoi allier tout ce qui compte pour elle : rendre service aux gens et développer ses talents artistiques.

Si elle fut longtemps réservée aux hommes, la cordonnerie est aujourd'hui largement ouverte aux femmes et les clients aiment ça !

 

« Certains clients nous disent : vous êtes des fées ! » se réjouit Jennifer Maupou. En avril, elle aura terminé sa formation de cordonnière et sait déjà qu'elle ne manquera pas de travail. Si pendant une vingtaine d'années, les chaussures ont été considérées comme des « produits jetables », la jeune cordonnière pense que désormais, on préfère acheter des chaussures plus chères et les faire réparer quand elles en ont besoin. « On répare et on fait aussi beaucoup d'entretien – dit-elle – c'est un métier du passé mais c'est aussi un métier d'avenir ! »

Et son talent ne se limite pas aux chaussures, entre ses mains passent aussi tous les produits en cuir (sacs, ceintures, etc.) ainsi que les clefs, les bâches de bateaux ou encore des petits travaux d'imprimerie rapide ; « 30% de boutique, 70% d'atelier » résume-t-elle. Celle qui envisageait de reprendre des études et de se reconvertir dans la publicité trouve ici l'espace dont elle rêvait pour laisser libre cours à sa créativité !

« J'ai dit au patron : je peins des tableaux,

je peux bien peindre des murs ! »

« Pendant dix ans, j'ai quand même pas mal galéré pour trouver un emploi qui me plaisait » raconte Jennifer. Dans le sud de la France d'abord, puis en Martinique où vit sa famille et où elle enchaîne « les jobs ». L'an dernier, par amour la voilà revenue en métropole, dans la Bretagne natale de son « chéri ».

jennifer3C'est une annonce de Pôle Emploi qui l'amène à pousser la porte de la cordonnerie d'un centre commercial. « Si une femme veut se présenter dans un métier d'hommes – estime-t-elle – envoyer un CV ne suffira pas. Il faut y aller... au culot ! »

Un « culot » qui paie pour Jennifer. Elle s'est déjà illustrée dans plusieurs autres métiers où l'on n'attend pas forcément des femmes et connaît les bonnes recettes. En Martinique, elle a été peintre en bâtiment. Et déjà, elle s'était déplacée pour répondre à l'annonce. « J'ai dit au patron : je peins des tableaux, je peux bien peindre des murs ! » Une force de persuasion qui avait su plaire.

Dans une autre vie, dans le sud de la France, la jeune femme a aussi assurer des livraisons de journaux. « C'était des tournées de nuit, les colis étaient très lourds et il n'y avait que des hommes dans la société – se souvient-elle – le patron ne voulait pas embaucher de femmes. » Jennifer lui rétorque qu'il n'a pas le droit, que c'est de la discrimination ; il lui répond, séduit : « vous commencez aujourd'hui, à deux heures du matin ! » Quelques jours plus tard, elle signe son CDI.

« On apporte aux clients des conseils, un service ;

c'est exactement ce qui me plaît ! »

« J'ai toujours préféré travailler avec des hommes ; en restauration, j'étais en cuisine ! - dit encore Jennifer – On m'a élevée comme ça ! Mon beau-père n'aimait pas l'image qu'on donne des femmes et il m'a appris tout ce qu'on pense qu'un homme doit savoir faire ! » Alors, très jeune, elle sait changer une roue de voiture et réparer un lave-vaisselle...

jennifer2Ce que Jennifer aime aujourd'hui dans son travail c'est le bonheur qu'elle lit dans les yeux de ses client-e-s qui apportent leurs chaussures en prévenant : « je sais que vous ne pouvez rien faire, mais... » Et justement s'enthousiasme la cordonnière « on peut faire beaucoup de choses ! » Elle qui fut commerciale pendant plusieurs années a eu « l'habitude de vendre pour faire du chiffre sans s'intéresser aux clients ». Aujourd'hui, elle apprécie une philosophie différente. « Ce qu'on apporte aux clients, c'est un service, des conseils ; c'est très agréable et c'est exactement ce qui me plaît - dit-elle – il faut choisir les bons matériaux, les bonnes couleurs ; c'est un métier d'art aussi ! »

Cette passion pour son métier, Jennifer la tient de son patron avec qui elle découvre la cordonnerie, qui, estime-t-elle, « ne s'apprend pas à l'école ». « Mon chef qui est mon responsable de formation aime beaucoup partager son métier » dit-elle avant de s'exclamer : « j'ai trouvé le métier qui me va, d'ailleurs tout le monde dans ma famille m'a dit : c'est parfait pour toi, tu ne pouvais pas trouver mieux ! »

Geneviève ROY