Fresque Declic Femmes

L'immigration aujourd'hui représente 3,7% de la population mondiale, soit autour de 300 000 personnes dont 48% sont des femmes. En quelques chiffres, Catherine Wihtol de Wenden a introduit son sujet.

La chercheuse du CNRS, politiste et juriste, enseignante à Sciences Po Paris, est venue à Rennes apporter un éclairage sur les migrations à l'occasion des 30 ans de Déclic Femmes.

Un anniversaire que la fondatrice, Fatima Zédira, a voulu célébrer en retraçant l'histoire d'une association directement au service des femmes migrantes, s'attachant à apporter des solutions au plus près des besoins de chacune.

 

Les femmes sont de plus en plus nombreuses à quitter leur pays et elles le font de plus en plus souvent seules. En Europe, elles sont mêmes plus nombreuses que la moyenne mondiale puisqu'elles représentent 51% des personnes migrantes. Souvent invisibles dans la société, elles occupent des emplois peu valorisés auprès des personnes âgées, en tant qu'aides-soignantes ou encore dans les métiers de la confection.

Declic conferencePour la chercheuse Catherine Wihtol de Wenden, cette situation n'a rien de nouveau. « La migration, c'est l'histoire du monde !» s'exclame-t-elle, saluant le travail remarquable que l'association Déclic Femmes assure depuis trois décennies dans l'accueil de ces femmes migrantes à Rennes. « On est dans un contexte très paradoxal – dit-elle encore – puisque en Europe on a besoin de l'immigration dans nombre de secteurs professionnels et pour faire croître la démographie des différents pays mais qu'en même temps on mène des politiques de plus en plus restrictives pour l'accueil des personnes migrantes ». Etonnament, depuis les années 1990, il n'a jamais été aussi simple de sortir de son pays mais il n'a jamais été aussi difficile d'entrer dans un autre. En France, par exemple, le taux de reconnaissance du statut de réfugiés plafonne à 35% des demandes.

Une priorité : l'apprentissage du français

La vision globale de la situation des migrant.e.s dans le monde, dressée par l'experte invitée, permet à Fatima Zédira, fondatrice de Déclic Femmes de situer l'histoire de son association dans la société française. C'est en 1995 qu'elle a fait le choix d'apporter son soutien aux femmes exilées autour de « la dignité, l'autonomie familiale, sociale et professionnelle, l'accès à la citoyenneté ». Et c'est en s'appuyant sur une citation de Gisèle Halimi disant que l'indépendance économique des femmes est leur liberté, qu'elle décline trente ans de vie associative largement orientée vers l'emploi et la formation professionnelle.

« L'association a centré son activité sur l'accueil et l'écoute » rappelle Fatima Zédira se souvenant du petit local de 13m2 rue de Picardie dans le quartier de Villejean où les femmes faisaient la queue sur le trottoir. Actuellement, au 7bis rue d'Armagnac, à quelques blocs d'immeubles des débuts, le local est beaucoup plus spacieux et permet de diversifier les activités, d'accueillir plus de femmes mais aussi d'exposer certaines de leurs réalisations. En parallèle, se sont des antennes dans d'autres quartiers – le Blosne et Maurepas – qui se sont créées. Chaque année, Déclic Femmes reçoit entre 300 et 500 femmes et au total c'est plus de 90 nationalités qui se sont croisées à l'association.

Fatima« L'apprentissage du français est pour nous la clef pour sortir de l'isolement, retrouver la confiance en soi et s'insérer dans la société d'accueil » explique Fatima Zédira. C'est donc tout naturellement, cet apprentissage qui se trouve au cœur de toutes les activités proposées par l'association. De groupes de parole en cours de langue, il aura fallu beaucoup d'énergie aux bénévoles et salariées de l'association au fil de ans pour trouver le juste équilibre. Des temps de formation aussi pour apprendre à apprendre.

Un processus positif d'intégration dans la société 

L'une des priorités de Déclic Femmes est de proposer des parcours individuels tenant compte de la personne et de son histoire. Pas question, par exemple, de mélanger en cours de français des personnes au passé scolaire pluriel. Il y a celles qui n'ont pratiquement jamais fréquenté l'école, celles qui ont un niveau d'école primaire, parfois secondaire, celles qui ont déjà un niveau universitaire dans leur propre langue. Certaines viennent de pays francophones, d'autres pas. Certaines sont à l'aise à l'oral, pas du tout à l'écrit...Mais aucune n'a « de temps à perdre ». Souvent, elles ont eu des métiers, parfois des responsabilités, dans leurs pays d'origine. Elles ont obtenu des diplômes que la France ne reconnaît pas. Elles ont besoin – et envie – de retrouver une vie active le plus vite possible en France. Fatima Zédira souligne pour toutes une réelle « aspiration à l'émancipation ».

Pour toutes ces femmes, l'association a choisi de co-construire les propositions. Au plus près des besoins immédiats de chacune. Et en relation avec de nombreux partenaires. Mais au-delà de l'efficacité, c'est aussi à une construction citoyenne que l'association s'emploie multipliant les propositions de visites, voyages, participation à des actions militantes, sensibilisation aux droits des femmes, à l'égalité femmes/hommes, à la culture politique, actions culturelles et artistiques.

Difficile de mesurer l'impact du travail accompli en trente ans. Pourtant, quand une femme quitte l'association en maîtrisant le français mais aussi en connaissant mieux la culture et le fonctionnement des institutions du pays d'accueil, Fatima Zédira veut croire que « c'est toute une famille qui est entraînée dans un processus positif d'intégration dans la société ».

Geneviève ROY