mathilde

« Il y a des choses qu'on ne peut pas dire aux gens parce que c'est trop difficile de se dire que ça s'est réellement passé! »

En quelques mots, Mathilde Franchet résume le propos du film qu'elle tourne dans quelques jours en Bretagne. Son sujet, à la fois difficile et nécessaire, ce sont les conséquences physiques et psychologiques d'un viol.

Et son souhait principal : que son film incite des victimes à sortir du silence. Parce que dit-elle « parler, ce n'est pas facile, mais si on en a le courage, c'est salvateur ! »

 

 

Désordre émotionnel, angoisse silencieuse, peur de l'enfermement mais aussi peur de sortir, de voir des gens... Sans raison apparente, Manon perd prise avec la vie réelle autour d'elle. Dans ce quotidien bouleversé, elle décide de prendre rendez-vous avec une psychologue. De leur rencontre et de leurs paroles échangées jaillira la terrible vérité : la jeune fille a été victime d'un viol.

Tel est le propos du court-métrage L'âge de raison que Mathilde Franchet, jeune Dinardaise de 23 ans qui termine ses études de cinéma à Paris, s'apprête à tourner à Rennes et à Saint-Malo. « Si je fais un beau film, ce sera comme une carte de visite ; peut-être qu'après on m'ouvrira les portes plus facilement dans le milieu du cinéma » dit la jeune femme. Mais pour l'instant, elle pense peu à son avenir professionnel. Pour elle, l'enjeu va bien au-delà d'une simple réussite cinématographique.

 

« Verbaliser permet de dire que ça s'est vraiment passé ;
tant qu'on ne l'a pas fait, ça reste un peu flou »

 

« Quand je suis entrée à l'école de cinéma, je savais déjà que ça allait être le sujet de mon film de fin d'études » dit-elle. Pour elle, ce qui est au cœur du sujet c'est la parole et l'importance de verbaliser une douleur. Cela fait près de cinq ans qu'elle s'y prépare.

Comme son héroïne, elle a vécu cette « occultation totale » avant d'enfin pouvoir se libérer de la pression qui étouffe. « Comment est-ce possible d'oublier quelque chose comme ça ? » s'interroge-t-elle aujourd'hui.

Pourtant, le déni existe vraiment et ses conséquences sont graves. « On appelle les victimes à porter plainte mais on oublie que le viol, qui paraît évident d'un point de vue extérieur, ne l'est presque jamais pour la personne concernée » explique Mathilde, pour qui « verbaliser permet de dire que ça s'est vraiment passé ; tant qu'on ne l'a pas fait, ça reste un peu flou. »

 

« Loin d'être pessimiste,
l'Age de Raison raconte
[qu'] une reconstruction est possible »

 

Parce que son sujet est important et que son synopsis a plu, Mathilde n'a pas eu de mal à s'entourer d'une bonne équipe. Des « professionnel-le-s » précise-t-elle avec un peu de fierté. Quant aux lieux de tournage, c'était pour elle une évidence. Elle n'envisageait pas de faire ça ailleurs que dans sa région d'origine dont elle apprécie « l'atmosphère ».

Malgré des économies, amassées depuis des années, elle n'a pas réussi à rassembler une somme suffisante alors elle a lancé un financement participatif afin de s'assurer « un certain confort et que chacun-e puisse être défrayé-e ».

« Loin d'être un film pessimiste, L'âge de raison raconte qu'après ce temps de perte de repères et de négation de soi, une reconstruction est possible – peut-on lire sur la page du financement en ligne - C'est avant tout un film sur la libération, une libération qui passe nécessairement par la parole [qui] permet de tuer quelque chose en soi pour continuer à vivre. »

Geneviève ROY

Pour aller plus loin : il ne reste que quelques jours pour participer au financement