AVFT

Pour Laure Ignace, la question était claire. Invitée à Rennes, par l'association Question d'Egalité dans le cadre des journées du mois de mars sur l'engagement des femmes, elle devait au nom de l'AVFT, relever le défi de répondre à l'interrogation suivante : qu'est-ce qu'on a gagné avec #metoo ?

Une réponse nuancée par les réactions - souvent violentes – que la mobilisation des femmes victimes de harcèlement sexuel au travail un peu partout dans le monde a suscitées.

Mais surtout un espoir : que les femmes continuent à parler même si l'AVFT croule sous « l'explosion de demandes de formations ».

 

« La virulence des réactions qu'on a eues en face de nous est à la hauteur du tremblement de terre qu'on cause dans les rapports de domination et dans la dénonciation du système des violences ; le patriarcat va devoir se réorganiser » analyse Laure Ignace de l'AVFT suite aux mouvements #metoo et #balancetonporc contre les violences sexuelles au travail. Des mobilisations qu'elle n'hésite pas à qualifier de « séisme » ou de « tremblement de terre ».

La jeune femme, juriste, est l'une des cinq salarié-e-s de l'association contre les violences faites aux femmes au travail qui depuis quelques mois « est complètement submergée». De trois saisies par semaine, l'association est passée à dix par jour ! Et les commissariats enregistrent de leur côté une augmentation de 30 % des dépôts de plainte.

3 millions de victimes, 1000 plaintes

Si Laure Ignace ne peut que se réjouir que ces situations aux « conséquences extrêmement lourdes sur la santé et la vie des femmes victimes » soient enfin prises au sérieux, elle craint cependant les suites qui seront données. Jusqu'à présent, pour trois millions de victimes en France chaque année, seulement 1000 plaintes étaient enregistrées ne donnant suite qu'à 7 % de poursuites. « Et encore – ajoute-t-elle – il ne sont pas tous condamnés ! »

Pour elle, les récentes mises au grand jour d'un phénomène que les femmes dénoncent depuis longtemps présentent l'intérêt d'avoir un peu réveillé l'opinion publique. « Il se passe quelque chose de mondialement incroyable » estime-t-elle alors que plus de 85 pays sont aujourd'hui concernés.

Pourtant, déplore-t-elle aussi, aucun moyen, aucun fonds d'urgence, n'a jusqu'à présent été alloué ; « en plein milieu d'une grande cause nationale du quinquennat » ironise-t-elle rappelant les commentaires plus que frileux d'un président de la République ou d'un Premier Ministre qui très rapidement ont craint les « dénonciations calomnieuses » et les « délations ».

Une urgence : des moyens et des formations

« Les femmes parlent depuis très longtemps – rappelle encore Laure Ignace – mais personne n'a envie de les entendre ; on les culpabilise, on minimise les violences. » Elle espère que cette fois-ci, elles pourront enfin faire changer les choses et voit dans ces mouvements « un début de reconnaissance, une espèce de sororité qui crée des solidarités ». Et ainsi, analyse-t-elle « on commence à créer une lutte ».

A l'AVFT, en tout cas, ce que #metoo aura changé c'est la charge de travail. « On ne décroche plus – s'enthousiasme la juriste – on est appelés par plein de professionnel-le-s qui nous demandent de l'aide ; il y a une explosion des demandes de formations. » Employeurs, syndicats, policiers, médecins du travail, représentants du personnel, secteur privé comme secteur public... tous et toutes devraient selon la jeune femme être sensibilisé-e-s et formé-e-s à cette question surtout au moment où disparaissent les CHSCT qui s'en emparaient de plus en plus depuis quelques années. Sachant souligne-t-elle encore que les inspecteurs du travail comme les médecins du travail sont actuellement en sous effectif.

Aujourd'hui, les femmes se « sentent moins seules et peuvent dire publiquement et massivement ce que la société les a toujours empêchées de dire – dit encore Laure Ignace – il faut continuer à ce que la terre tremble et ne plus rien lâcher ! »

Geneviève ROY