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C'est un modèle de partenariat assez inédit. Sur le berceau de la Maison des Femmes de Rennes trois bonnes fées se sont penchées : le Centre Hospitalier, la ville de Rennes et l'association l'Asfad.

Cette dernière vient de fêter ses quarante ans et fait depuis plusieurs décennies références sur le territoire rennais dans l'accompagnement des femmes victimes de violences conjugales et de leurs enfants.

Les trois partenaires rêvaient depuis longtemps d'une telle unité de prise en charge. A l'occasion de l'inauguration le 17 novembre, Nathalie Appéré, maire de Rennes, s'est félicitée d'avoir participer à « l'alignement des planètes » qui a favorisé la concrétisation du projet.

 

Un bâtiment coloré posé juste devant l'Hôpital Sud de Rennes et sur son fronton un nom qui attire celui de Gisèle Halimi. Un parrain prix Nobel de la Paix, le docteur Denis Mukwege, gynécologue congolais pionnier de la "réparation" des femmes victimes. Cet espace inauguré à Rennes à quelques jours de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes focalise les espoirs de beaucoup de rennais.es qui accompagnent au quotidien des situations de plus en plus nombreuses.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes, comme le rappelle Christiane Guillouzo, présidente de l'Asfad à l'occasion de l'inauguration. 244 000 victimes de violences conjugales enregistrées en France pour l'année 2022 soit une augmentation de 15% par rapport à l'année précédente. Et la ville de Rennes n'échappe pas à ce triste constat avec plus de 1100 nouveaux dossiers ouverts à l'Asfad et plus de 1850 appels reçus sur la ligne d'écoute téléphonique de l'association.

Une équipe pluridisciplinaire pour un parcours facilité

Cette Maison répond donc bien à un besoin crucial. D'autant que comme le souligne encore Christiane Guillouzo, le premier contact de la femme victime est essentiel. L'écoute et l'accueil reçu la première fois qu'une femme appelle le téléphone d'urgence ou qu'elle pousse la porte de l'association en quête d'une aide décide souvent de la suite de son accompagnement.

Or, derrière la porte de la Maison des Femmes, on trouve des réponses à de nombreuses questions. Sur deux étages qu'on croyait petits vus de l'extérieur et qui se révèlent vastes et aménagés avec soin pour en faire un lieu chaleureux, les femmes pourront bénéficier en un même endroit d'une écoute bienveillante, d'un accès à des soins mais aussi d'un accompagnement juridique et social notamment grâce au partenariat avec les avocat.e.s du Barreau de Rennes, le CIDFF 35 ou le Planning Familial.

Maison2Qu'il s'agisse de violences actuelles ou plus anciennes, qu'elles soient sexuelles, conjugales ou médicales, qu'elles concernent des mutilations ou du harcèlement, qu'elles aient été subies lors d'un parcours migratoire ou au sein de la famille, une équipe pluridisciplinaire de professionnel.le.s sera disponible sur place pour un parcours complet et adapté à chaque victime.

« Notre ambition – insiste Mathilde Delespine, sage-femme coordinatrice du projet – c'est que ce soit nous, les professionnel.le.s, qui faisions un pas de côté, qui acceptions de sortir de nos cultures professionnelles spécifiques pour éviter aux femmes un parcours de la combattante. Elles ont a survivre aux violences et c'est déjà coûteux en énergie, ce guichet unique, en respectant leur temporalité et leur consentement aux secrets professionnels partagés, doit pouvoir retirer un poids de leurs épaules déjà bien chargées ! »

A quand de nouveaux hébergements ?

La Maison des Femmes entend ainsi offrir aux femmes victimes « le meilleur de tous les mondes », médicaux, sociaux, juridiques, etc. Sans oublier l'accueil des enfants bien sûr, eux aussi victimes, et les soins de support essentiels pour s'extraire de la violence et reprendre confiance en soi : ateliers de sophrologie adaptée, de peinture, de photographie, d'art-thérapie, de théâtre, etc. animés par des professionnel.le.s formé.es aux populations vulnérables. Le karaté pour réapprendre à extérioriser les émotions ; le visionnage de films pour apprendre à nommer les violences subies et chaque temps collectif pour rompre l'isolement. « Ici – précise Kathy, éducatrice à l'Asfad – ce n'est pas un lieu de victimes, c'est un lieu de reconstruction ! »

Ce n'est hélas pas non plus un lieu d'hébergement. Et si la Maison des Femmes répond à de nombreux besoins, elle ne suffira pas à régler tous les problèmes. Le soir de l'inauguration, monsieur le Préfet d'Ille-et-Vilaine a fait part à l'assemblée de ses problèmes d'insomnie lorsqu'il apprend le soir que des femmes victimes restent sans hébergement adapté.

On peut craindre pour ses nuits à venir quand on sait qu'il manque actuellement 200 places d'hébergement sur le département et que l'Etat vient de réduire de façon drastique les financements dédiés à cette cause. Les violences sont « un enjeu de santé publique » a rappelé le représentant de l'ARS lors de cette même soirée tandis que Christiane Guillouzo, présidente de l'Asfad, sindignait : « il y a un besoin urgent – disait-elle - de nouvelles places ! »

Geneviève ROY

Informations pratiques : Maison des Femmes Gisèle Halimi, 16 boulevard de Bulgarie, parvis de l'hôpital sud - ouverture du lundi au vendredi de 9h à 17h. Tél 02 23 06 73 60 - métro ligne A arrêt le Blosne et bus ligne 13 arrêt Hôpital Sud