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Il y a un mois, les Couturières Solidaires d'Ille-et-Vilaine n'existaient pas. Et, « dans un mois, j'espère bien qu'on n'existera plus » répète Marine, coordinatrice du collectif.

Entre-temps, le virus est passé par là et nous a toutes et tous fait revoir nos priorités. Parce que le manque de masques textile pour diminuer la propagation du virus par les postillons est criant et que la communication officielle faite autour de la maladie a déjà fait perdre beaucoup trop de temps, des initiatives bénévoles voient le jour un peu partout en France depuis quelques semaines.

Dans la région rennaise, Marine et ses ami-es fabriquent et distribuent ces petits bouts de tissus indispensables notamment aux personnes qui continuent à travailler en lien avec du public : caissier-ères de supermarchés, aides ménagères à domicile, boulanger-ères, etc.

 

Sur la page facebook du groupe, Marine aime bien publier régulièrement des statistiques pour « montrer aux couturières qu'elles ne travaillent pas pour rien ». Ainsi, rien que le week-end dernier 315 masques ont été cousus ; pour la semaine dernière c'est près de 580 qui ont pu être distribués aux professionnel-les de plus en plus nombreux-ses qui en font la demande.

 

« On nous a dit : portez un masque si vous êtes malades ;

mais on peut tous être porteurs sains »

 

En Belgique, les autorités ont très tôt demandé à la population de fabriquer ses propres masques pour ralentir la diffusion du virus. En France, « la communication du gouvernement a changé ces derniers jours » constate la coordinatrice des Couturières. En effet, on est passé du masque jugé inutile pour le grand public à la mise en fabrication dans l'urgence par les grandes entreprises textile en passant par les explications mémorables d'une ministre sur la difficulté pour tout un-e chacun-e d'avoir recours à un masque buccal. « On nous a dit : portez un masque seulement si vous êtes malades – explique Marine – le problème c'est qu'on peut tous être porteurs sains. »

Le 22 mars dernier, la jeune femme a rejoint le groupe des Couturières Solidaires créé la veille par des couturières, comme elle, amatrices. Aujourd'hui, c'est plus de 80 femmes, amatrices et pour beaucoup professionnelles, qui donnent de leur temps pour fabriquer ces morceaux de tissus qui pourraient sauver des vies. Avant que la France ne mette à disposition normes et règles de fabrication, ces femmes se sont emparées des consignes mises en ligne par le ministère belge de la Santé.

masques2Pourquoi devrait-on tou-tes porter un masque buccal ? « Le masque textile n'est pas destiné à se protéger du virus mais à protéger les autres et à réduire la propagation » répondent les Couturières Solidaires qui pensent notamment à celles et ceux dont le travail est indispensable à notre quotidien : les agent-es des EHPAD et les aides à domicile confrontées chaque jour à des personnes fragiles, les personnels de nettoyage des hôpitaux, les employé-es des commerces restés ouverts, etc. mais aussi les populations précaires comme les personnes sans domicile par exemple. « On a plus de demandes que de stocks » reconnaît la coordinatrice des Couturières Solidaires pour qui toutes les aides sont les bienvenues.

 

« La situation sanitaire est critique.

On n'a pas vraiment le choix, c'est pour le bien commun ! »

 

Même si tout « est allé très vite » l'organisation se met en place de façon rigoureuse. Des règles très strictes d'hygiène ont été définies (nettoyage des machines, lavage des tissus avant confection) ; une équipe de livraison en vélo ou en voiture sillonne les routes du département principalement dans la région rennaise mais aussi jusqu'à Saint-Malo et Fougères pour éviter les déplacements aux couturières confinées. Dans ce « groupe de gens » qui ne se connaissent pas et communiquent à distance, quelques professionnelles de la couture apportent un coup de main non négligeable et toute la chaîne de travail reste entièrement bénévole. Les fournitures (tissus, rubans, etc.) sont offertes par des entreprises et les masques sont délivrés gratuitement aux bénéficiaires ; un professionnel équipé d'une machine s'est mis à disposition pour la découpe au laser du tissu. Seule l'essence est à la charge des livreur-ses qui ont en charge la collecte puis la redistribution des masques.

Même si elle dit ne pas vouloir « entrer dans des débats politiques » et préférer se « concentrer sur la fabrication du produit », la coordinatrice du groupe insiste : « on est là pour pallier un manque, en aucun cas on ne veut se substituer à des professionnels ; on est là en attendant et je suis ravie que des industries se lancent aujourd'hui dans la fabrication. Dans un monde merveilleux, on n'aurait pas dû exister, mais deux semaines de gagnées, c'est énorme ! »

Depuis quelques jours, le collectif des "petites mains" a fusionné avec un autre collectif, Makers 35 contre le covid, qui s'est lancé dans la fabrication de visières en impression 3D, un équipement complémentaire du masque. L'équipe ainsi étoffée, l'organisation est plus rationnelle et Marine espère « diminuer un peu la charge de travail ». Avec son compagnon, la jeune ébéniste qui a mis son métier entre parenthèse, cumule chaque jour une quinzaine d'heures pour cette activité bénévole. « J'aimerais bien avoir des journées plus calmes – avoue-t-elle en riant – mais on est ans une situation sanitaire critique et on a en face nous des gens un peu désespérés, donc, on n'a pas vraiment le choix ; c'est pour le bien commun ! »

Geneviève ROY

Pour aller plus loin :
consulter la page facebook des Couturières Solidaires d'Ille-et-Vilaine qui ont rejoint une association nationale, les Couturières Solidaires présentes dans de nombreux départements et villes à travers toute la France
consulter la page facebook des Makers 35 contre le covid
trouver des informations et des modèles pour réaliser votre propre masque

Photo 2 : communication belge