PMADans quelques semaines, Marion sera maman d'une petite fille. Comme toutes les futures mamans, elle se projette et imagine la nouvelle vie à trois qui s'annonce.

« On l'aime déjà tellement fort ; je suis sûre que ça ira. En tout cas, on fera tout pour ça ! » s'enthousiasme-t-elle évoquant « les vacances de l'année prochaine » qu'elle lui prépare déjà.

Pourtant, Marion n'est pas enceinte.

Sa fille c'est Gladys, sa femme, qui la porte. Une belle aventure pour les deux jeunes femmes qui a pu se concrétiser quelque part de l'autre côté de la frontière espagnole.

 

« Ce n'est pas un schéma classique » plaisante Marion en mordant dans son sandwich. Gladys et elle se sont mariées voilà deux ans après cinq années de vie commune. Le désir d'avoir un enfant, ça fait déjà quatre ans qu'elles le partagent. Elles ont donc lancé un processus de PMA au Pays Basque Nord, de l'autre côté de la frontière espagnole, où dit la jeune femme « on a été très bien accueillies puisqu'ils ont l'habitude et que c'est tout à fait légal là-bas ! ».

Le choix de celle qui porterait leur enfant s'est fait naturellement. « Je travaille dans le commerce et je venais juste de reprendre une affaire, donc il n'était pas question de la mettre en stand-by » raconte Marion.

« La PMA a un coût,

mais un enfant ça n'a pas de prix »

 

En effet, le recours à une procréation médicalement assistée (PMA) peut être contraignant et entraîne parfois (ce fut le cas pour Gladys) des traitements hormonaux lourds. Quand le corps est prêt, « on déclenche l'ovulation en France, à une heure fixe, puis vingt-quatre heures après on doit être en Espagne pour l'insémination artificielle donc il faut avoir prévenu son employeur et s'être organisées pour avoir au moins deux ou trois jours de repos après ».

pma1Les deux jeunes femmes ont fait le choix de l'Espagne contrairement à d'autres de leurs amies qui se sont rendues en Belgique. « On préférait le soleil aux frites » s'amuse Marion qui plus sérieusement argumente que l'accueil est plus humain en Espagne. « En Belgique, j'avais l'impression d'être un numéro ; ce n'était pas comme ça que je voulais concevoir un enfant ». Et puis, c'est plus simple et moins coûteux, les rendez-vous se préparent par skype ce qui « fait gagner du temps et de l'argent ». La deuxième insémination sera la bonne pour les futures mamans qui à partir de ce moment-là peuvent bénéficier d'un suivi à domicile. En décembre, leur petite fille verra le jour à la maternité de Saint-Grégoire.

« Nous avons beaucoup de chance à Rennes – dit encore Marion – les cliniques sont très ouvertes et la plupart des médecins et gynécologues font en sorte que ça se passe dans de bonnes conditions ; ils trouvent que c'est de l'hypocrisie de ne pas autoriser la PMA en France et acceptent de retranscrire les ordonnances de leurs collègues espagnol-e-s ; donc le traitement médicamenteux peut être remboursé ».

L'acte d'insémination en lui-même, bien sûr, n'est pas remboursé et les jeunes femmes ont dû plusieurs fois financer voyage et hébergement sur place. Marion insiste : « la PMA a un coût mais un enfant, ça n'a pas de prix ! Et puis, ça nous faisait une semaine de vacances au soleil ! » ; cependant, elle se dit consciente que toutes les femmes n'ont pas les moyens de réaliser ce désir d'enfant : « on a un certain confort de vie qui nous a permis de le faire mais tout le monde n'a pas cette chance ».

 

« La reconnaissance du conjoint est importante ;

il ne faut pas mettre ça de côté »

 

Quand l'enfant naîtra, elle sera le fille de Gladys. Qui sera alors Marion pour elle ? « Légalement – dit-elle – sans la procédure d'adoption, je ne serai rien du tout ! Ce qui ne m'empêchera pas de prendre mon rôle au sérieux dès le début. » Les deux futures mamans sont déjà en relation avec un avocat et la procédure d'adoption débutera à l'instant même de la naissance. Une démarche qui devrait prendre entre six mois et deux ans. « Pendant ce temps-là – regrette Marion – il y a un vide juridique ». Alors pour éviter que leur fille « soit pupille de la nation s'il arrivait quelque chose à Gladys » elles sont allées voir un notaire pour rédiger leurs testaments.

pma2« On ne devrait pas avoir à penser à ces choses-là à 28 ans, au moment d'avoir son premier enfant » soupire Marion qui ajoute : « ça me donne encore plus envie de me battre et d'être militante. J'étais un peu jeune pour m'engager au moment du mariage pour tous mais j'étais bien contente de pouvoir me marier alors aujourd'hui j'ai envie de me battre aussi pour ces personnes qui se sont battues pour moi il y a cinq ans. Je suis plutôt optimiste sur l'issue de ce combat mais j'ai des craintes au niveau juridique. La reconnaissance du conjoint est importante, il ne faut pas mettre ça de côté ! »

Quand Marion et Gladys ont décidé d'être mamans, elles sont allées voir une psychologue parce que dit Marion « on est tellement assommées d'un tas de propos homophobes par des gens qui savent déjà comment votre enfant va finir ». Difficile de « construire un projet d'enfant avec ces images ultra-dégradantes » ; ça les a confortées d'entendre la professionnelle leur dire « si seulement tous les parents étaient comme vous ! »

 

« Il n'y a pas de père ;

il y a juste un donneur »

 

Sur ses heures de loisirs, Marion milite à SOS Homophobie et pratique notamment les interventions en milieu scolaire. Quand elle dit aux élèves des collèges et lycées où elle passe qu'elle va être maman, les questions fusent. « Quand ils me disent "vous n'avez pas peur quand elle ira à l'école ?" je leur répond que s'ils éduquent bien leurs enfants dans le respect ma fille grandira dans de bonnes conditions ! - explique-t-elle - Le modèle familial papa-maman, ça fait longtemps que c'est terminé ; il n'y a plus de normes, chaque cas est différent. »

Certes, la fille de Marion et de Gladys n'aura pas de père. Et elle le saura. « On ne lui cachera rien - dit Marion – il ne faut pas vivre dans le mensonge. Il n'y a pas de père, il y a juste un donneur qu'elle ne connaîtra jamais » comme tous les enfants de couples hétérosexuels qui ont recours à la PMA lorsque c'est l'homme qui est stérile.

Un jour, la fille de Marion et Gladys aura peut-être une petite sœur ou un petit frère. Les deux jeunes femmes n'y avaient pas vraiment pensé mais Gladys « aime être enceinte » alors pourquoi pas ? Marion espère en tout cas que cela pourra se faire tout simplement à Pontchaillou et être accessible à toutes. « C'est une question d'égalité » dit-elle. Pour elle et sa femme, les difficultés sont « déjà entre parenthèses ». « A partir du moment où le test de grossesse est positif vous avez déjà oublié tout ce que vous avez fait pour en arriver là ; ça a peut-être été un peu difficile, mais elle est là, et c'est le principal ! »

Geneviève ROY

Photos : manifestation à Rennes le 21 avril 2018 à l'appel du collectif breton pour la PMA pour toutes et Marche des Fiertés à Rennes le 16 juin 2018