« Le théâtre, l'écriture, la famille... tout ça se tisse » résume Agnès Genêt quand elle veut évoquer son parcours de vie.
Ancienne comédienne devenue art-thérapeute, elle est en cours d'écriture de son troisième roman et suit une formation pour renforcer sa pratique professionnelle.
Femme de mots, elle voit l'écriture comme une « hygiène de vie au quotidien » et offre à ses patient.e.s la possibilité de se créer une « bulle » pour faire jaillir leur créativité dans des productions éphémères centrées d'abord sur « le plaisir et la satisfaction ».
Ou comment les mots peuvent permettre d'aller mieux.
Quand Agnès Genêt, art-thérapeute installée à Rennes depuis trois ans, reçoit un nouveau ou une nouvelle patient.e à son cabinet, elle lui offre un petit carnet de notes. Comme pour sceller ce qui va les relier : l'écriture. Des petits carnets semblables, elle en a plusieurs sur elle, constamment, dans lesquels elle consigne ce qui l'inspire au quotidien : des idées pour ses prochains romans, des phrases stimulantes, des observations sur sa pratique professionnelle qui viendront peut-être nourrir un futur ouvrage technique sur l'art-thérapie. Pour elle, l'écriture est tout à la fois un plaisir et un instrument de travail.
Jouer comme Jacqueline Maillan ou Madeleine Robinson ;
écrire comme la Comtesse de Ségur
Petite fille, Agnès rêvait de monter sur les planches comme Jacqueline Maillan et les comédien.ne.s qu'elle admirait dans le programme télévisé Au Théâtre ce soir. Ce fut ensuite Madeleine Robinson, Jean Marais ou encore Laurent Terzieff. « Très tôt – dit-elle – j'ai voulu jouer ». Si tôt même que son instituteur de CM1 le repère très vite et lui propose de mettre en scène ses camarades de classe dans la pièce qu'elle a elle-même écrite. « Je mesure – dit-elle aujourd'hui – la chance que j'ai eue ! »
La jeune lectrice assidue qui baigne dans une famille d'écrivains et de journalistes rêve aussi de se « mettre dans les pas de la Comtesse de Ségur », se réfère ensuite à d'autres femmes comme Marguerite Duras, Annie Ernaux, Virginia Woolf... Agnès se remémore aujourd'hui, un brin nostalgique, ces jeux avec son père à la recherche de titres pour d'éventuels futurs livres ; c'est dans cette réserve qu'elle a puisé celui de son premier roman...
C'est donc par le théâtre que tout commence, à Nantes, sa ville natale où elle rejoint une compagnie « très engagée » et participe pendant une quinzaine d'années au développement d'un « théâtre populaire à visée sociale ». Très vite ce sont les ateliers destinés à retrouver la confiance en soi, avec des publics défavorisés, des personnes éloignées de l'emploi, des femmes en précarité sociale.
La deuxième vocation d'Agnès naît là et progressivement elle s'oriente vers le champ du handicap notamment psychique. A la faveur de déménagements successifs liés au travail de son mari, Agnès change souvent de régions mais poursuit son parcours dans le secteur médico-social.
« Je ne suis pas sachante,
c'est la personne elle-même qui sait,
mais souvent, elle ne sait pas qu'elle sait »
La jeune femme enchaîne les formations au rythme de ses différents postes . Formatrice au départ, elle sera coordinatrice puis cheffe de service avec toujours en fil rouge ses expériences théâtrales ; elle est déjà art-thérapeute sans le savoir. C'est en arrivant à Carcassonne qu'elle décide de le devenir vraiment. Deux années d'études à la fac de médecine de Toulouse lui procurent le DU qui fait la différence. Elle choisit facilement ses outils de médiation.
« L'art-thérapie est une psychothérapie qui utilise des médiations artistiques – explique-t-elle – pour moi l'écriture et le théâtre ce sont imposés naturellement ». Et comme la formation accompagne sa vie d'adulte depuis déjà longtemps, elle poursuit actuellement un nouveau cursus en trois ans pour consolider encore sa pratique en thérapie familiale.
Pas de parcours type, chaque cas est singulier pour Agnès. C'est au cours de la première séance que le ou la patient.e va définir ses besoins et qu'avec la thérapeute, il ou elle va choisir le parcours le mieux adapté avec l'écriture ou le théâtre comme support, parfois les deux en alternance. A l'aide de jeux d'écriture comme de techniques théâtrales, l'objectif reste le même : atteindre le lâcher prise qui permettra à la personne de laisser parler sa créativité et ainsi d'apprendre à exprimer ses émotions, ses ressentis, et donc de se sentir mieux ; sans visée esthétique, sans « chercher à faire du beau ».
« Ma posture n'est pas de dire ce qu'il faut faire ni ce qu'il faut penser, il n'y a pas de bonne et de mauvaise réponse – détaille la thérapeute - je ne suis pas sachante, c'est la personne elle-même qui sait mais souvent elle ne sait pas qu'elle sait ! Mon travail est d'être dans l'ombre et de l'éclairer, de l'aider à trouver ses propres ressources ».
« La famille, c'est fondamental...
les relations entre générations,
ce qui se transmet, les non-dits aussi »
« L'écriture est thérapeutique » affirme Agnès qui consciencieusement noircie ses « carnets d'itinérance ». Ecrire chaque jour est pour elle comme une « hygiène de vie ». « J'ai toujours mes carnets sur moi, même si dans ce que j'écris il y a peut-être 85 à 90% de choses à jeter ; mais cela m'est nécessaire pour aller bien, aussi nécessaire que de boire de l'eau ! »
Depuis 2008, elle dit s'être « remise sérieusement » à l'écriture avec un rythme qu'elle qualifie de « besogneux ». Son premier roman, publié en 2014, est le fruit de trois longues années de travail et s'inspire de sa famille et de sa vie personnelle. Son objectif était de le voir publié, ce qui fut réalisé. « J'y tenais pour mes enfants » souligne-t-elle pour que « ça reste » et parce que « retrouver les livres écrits par [son] grand-père avait été tellement important » pour elle.
La famille, toujours. Cet espace essentiel dans la vie d'Agnès comme dit-elle dans celle de ses patient.e.s. « La famille, c'est fondamental en fait. Les gens que je reçois en séance en parle à 85%. C'est très intéressant tout ce qui se joue dans les relations entre générations, tout ce qui se transmet, tous les non-dits aussi » analyse celle qui a fait du secret de famille le centre de son deuxième roman publié fin 2021.
Si le premier était largement auto-biographique, Agnès préfère désormais s'attaquer à la fiction. Dans sa formation professionnelle, qu'il s'agisse du théâtre ou de la thérapie, elle a appris à écouter mais aussi à observer, « se mettre à une terrasse et observer ce que les gens font, ce qu'ils sont aussi et imaginer... » Comme une nourriture qui viendrait alimenter le travail d'Agnès dans toutes ses différentes strates.
Geneviève ROY
Pour aller plus loin, les romans d'Agnès Genêt :
Si tu n'as rien à dire, tu peux m'en parler - Edilivre-2014
De plein fouet - éditions Hedna - 2021