Avec d'autres amoureux du théâtre, elle a créé en 2005 à l'Université Rennes 2 la compagnie La Mort est dans la Boite.

Laure Fonvieille ne se doutait pas alors que ce nom inspiré par un roman de Boris Vian, la ramènerait quelques années plus tard dans les allées d'un cimetière.

Après une première représentation de Celles d'en-dessous en juin dernier au cimetière de l'Est à Rennes, la troupe revient le 21 septembre à l'occasion des Journées du Patrimoine, ou plutôt du Matrimoine, car c'est bien aux femmes que l'on donne la parole.

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 Laure Fonvieille se dit « Bretonne d'adoption ». Venue de Toulouse, c'est à Rennes que cette passionnée de théâtre fait ses études et se lance dans la mise en scène et la réalisation de costumes. « J'ai fait beaucoup de dessin et de peinture – dit-elle – J'ai besoin de faire quelque chose de mes mains alors tout naturellement le théâtre m'a amenée aux costumes » Et puis, surtout, elle adore « entrer dans les univers des autres ». C'est donc avec bonheur qu'elle crée pour les metteur-euse-s en scène qui lui font appel.

Dans quelques jours, elle interrompra son travail sur le prochain spectacle qu'elle prépare pour début 2020 – Le Cœur de l'Hippocampe – pour reprendre sa création précédente Celles d'en-dessous.

 

« Des résistantes, une criminelle,

une speakerine de radio...

c'était foisonnant ! »

 

L'histoire commence au printemps dernier lorsque Laure est contactée par la chargée du patrimoine funéraire de la ville de Rennes. Cette dernière est à la recherche de nouvelles compagnies susceptibles de proposer des balades théâtrales dans les cimetières. C'est bien sûr le nom – intrigant - de la compagnie de Laure qui l'a attirée. « J'ai trouvé ça génial comme idée de faire du théâtre dans les cimetières » raconte Laure qui ajoute aussitôt : « mais avec ma casquette féministe j'ai tout de suite remarqué que sûrement les visites proposées étaient superbes mais qu'il y avait pratiquement que des hommes ». Or, les cimetières de Rennes sont bien sûr aussi peuplés de nombreuses femmes !

LaurePour Laure Fonvieille, membre active du mouvement HF Bretagne, il est nécessaire de donner plus de visibilité aux femmes. Elle accepte donc le défi à condition d'écrire un spectacle uniquement sur des vies de femmes célèbres – ou non – enterrées au cimetière de l'Est. De nombreuses recherches après, ce sont cinq noms qui sont retenus. « On a choisi le cimetière de l'Est - explique-t-elle – parce qu'il y avait une plus grande diversité : des résistantes, une criminelle, une speakerine de radio... c'était foisonnant ! »

Et il se trouve que l'arrière-grand-mère d'un ami est aussi enterrée là et qu'elle sera parfaite pour incarner le dernier des portraits, celui d'une anonyme dont la vie à tout autant de valeur et d'intérêt que celle des plus célèbres. Ainsi, Maria Aubault, morte à 107 ans d'une mauvaise grippe, rejoindra Simone Alizon, Christine Papin, Raymonde Tillon et Odette Seveur dans cette déambulation à travers les allées du cimetière.

 

« Au théâtre

on peut parler de nos morts

et les faire vivre un peu ! »

 

« Tout destin est passionnant » déclare encore Laure Fonvieille ravie de mettre en avant des histoires de femmes. Avec Sophie Renou, elle se penche sur les biographies et constitue des fiches « très précises sans tout dire parce que c'est une responsabilité » de faire parler des mort-e-s. En parallèle, elle travaille à la réalisation des costumes. Dans son atelier de couture, au premier étage des Ateliers du Vent, elle résume : « c'est ici que tout a commencé, d'abord autour de cette table, puis on est allées travailler au cimetière et chaque comédienne a écrit sa partie de texte ».

Laure2Un travail « construit ensemble » en trois jours qui fera passer le public du rire aux larmes dans le silence parfois pesant du cimetière en ce dimanche après-midi du 2 juin. « On ne devait le jouer qu'une seule fois mais il se trouve que la Mission Egalité de la Ville a adoré – se félicite aujourd'hui Laure Fonvieille – et on nous a demandé de le rejouer pour les Journées du Patrimoine et du Matrimoine ! »

Et, à la surprise générale, d'autres villes se disent désormais intéressées par le projet. Peut-être que bientôt La Mort est dans la Boite se délocalisera du côté de Strasbourg pour y explorer les tombes des Alsaciennes célèbres ou pas. Laure Fonvieille est tout étonnée de ce succès mais enthousiaste à l'idée de reproduire ce projet. Celle qui prétend aimer le théâtre parce qu'elle « adore qu'on [lui] raconte des histoires » pourrait bien à nouveau se pencher sur les histoires des autres. « Dans les histoires – dit-elle encore – il y a toujours la mort quelque part et c'est pour ça que j'aime le théâtre, c'est un lieu où on peut parler de nos morts et où on a le droit de les faire vivre un peu ! »

Geneviève ROY

Pour aller plus loin :
Celles d'en-dessous, samedi 21 septembre à 16h au cimetière de l'Est avec Camille Kerdellant, Gaëlle Héraut, Manon Payelleville, Sandrine Jacquemont et Sophie Renou dans une mise en scène et des costumes de Laure Fonvieille – entrée gratuite – nombre de places limitées

Et plus tard : Le Cœur de l'Hippocampe au théâtre de la Paillette en janvier 2020

Photo 1 : Nathalie Bidan