expoMUE

 

Anne-Cécile Estève est photographe. Depuis une dizaine d'années, elle collabore régulièrement avec des ONG notamment l'Unicef.

En parallèle, elle développe de plus en plus de projets personnels car dit-elle « j'aime bien raconter l'histoire des gens en images ».

C'est toujours avec un regard bienveillant qu'elle aborde ses différents sujets photographiques. Comme en atteste l'exposition MUE qui sera visible à Rennes à l'Hôtel Dieu durant tout le mois de mars.

Face à son objectif, elle a, en partenariat avec une chirurgienne, mis en lumière, avec beaucoup de pudeur et de délicatesse, des corps de femmes reconstruits après un cancer du sein.

 

 

Elle l'avoue en riant, Anne-Cécile Estève n'emporte jamais son appareil photo avec elle quand elle part en vacances. D'ailleurs, ce ne sont pas ses nombreux voyages à l'étranger qui lui ont donné ce goût pour l'image. Pourtant, elle se présente comme « photographe depuis toujours ». En réalité, c'est un peu par hasard que la jeune femme a décroché un premier emploi chez un « photographe de ville » où elle a tout appris. Aujourd'hui, à 45 ans, elle a abandonné les portraits et autres photos d'identité.

Photographe indépendante, elle a profité d'un séjour en famille en Indonésie pour nouer des contacts avec des ONG et poursuit depuis son retour en France en 2014 et son installation à Rennes cette collaboration qui – quand le covid lui en laisse la possibilité – l'entraine encore parfois au bout du monde.

 

« J'arrive avec mes chaussons

et ma trousse de toilette »

 

Mais surtout, Anne-Cécile depuis quelque temps suit ses propres envies. « J'ai fait mon trou – dit-elle – pour gagner ma vie je fais du reportage pour des collectivités, des institutions, je travaille beaucoup pour Rennes Métropole, etc. Mais je commence aussi à m'autoriser des projets plus personnels. » Celui dont elle est très fière s'appelle Métamorphées et s'est mis en place en partenariat avec les Tombées de la Nuit. Débuté l'année dernière, en plein couvre-feu, il est devenu dit-elle sa « forme de militance ».

expo1Dans une période où le lien social était en souffrance et la méfiance de l'autre en expansion, elle n'a pas hésité à poser son sac de couchage chez des inconnu.es. Son idée : photographier les gens à leur réveil. Du coup, pour une meilleure organisation, elle doit, elle aussi, dormir sur place. « J'arrive chez eux avec de quoi partager le repas du soir, mes chaussons et ma trousse de toilette – raconte-t-elle – et j'installe mes lumières dans le salon ».

Le lendemain matin, la séance photo peut commencer ! « Je ne cherche pas à montrer le mauvais côté du réveil – explique-t-elle encore – mais plutôt à montrer toute la fragilité de ce moment-là ; il y a beaucoup de douceur dans mes photos ».

 

« Je les ai photographiées

avec l'intention

de leur faire du bien »

 

De la douceur, elle en a mis aussi dans son projet MUE exposé du 7 au 27 mars à l'Hôtel Dieu. Cette fois-ci l'idée n'est pas venue d'elle mais de Cécile Méal, chirurgienne plasticienne qui au centre Eugène Marquis travaille en reconstruction mamaire auprès de femmes atteintes de cancers du sein. Un projet dont l'objectif est de permettre aux femmes de se regarder autrement tout en montrant que la guérison physique n'est pas forcément synonyme de guérison psychique.

« Les femmes qui subissent une ablation parlent d'amputation, de mutilation, de handicap. Beaucoup disent qu'elles se cachent, qu'elles ont honte » précise Anne-Cécile qui recueille pour illustrer ses photos des témoignages de ses modèles. Grâce à ses éclairages et ses cadrages, elle leur permet de changer de regard et même de se trouver belles.

Sans se revendiquer militante, Anne-Cécile reconnaît choisir de photographier des injustices. Comme pour les Compagnons Bâtisseurs qu'elle a photographiés à l'Hôtel Pasteur, comme pour les personnes réfugiées avec lesquelles elle s'apprête à travailler ou les usager-ères d'un centre social qui feront l'objet de l'édition n°2 de Métamorphées, ces dix-sept femmes qui s'exposent aujourd'hui grâce à elle, l'ont touchée.

« Je choisis des projets très humains – résume-t-elle – ce sont ces personnes-là qui m'intéressent, qui me touchent dans ce qu'elles traversent ; j'aime bien raconter leur histoire en images, surtout quand ce ne sont pas des histoires très lisses. Ces femmes, je les ai photographiées avec l'intention de leur faire du bien, de leur permettre d'avancer sur le chemin d'une réconciliation avec leur corps ! »

Geneviève ROY

Pour aller plus loin :
MUE, exposition en noir et blanc – Hôtel Dieu – 2 rue de l'Hôtel Dieu à Rennes - métro Sainte-Anne – du 7 au 27 mars