Gimelle1Elle dit dans un sourire : « j'aurais aimé être journaliste d'investigation ». Pourtant, toute sa vie, Geneviève Gimelle, retraitée aujourd'hui, a été femme de ménage. La misère, elle l'a connue dès sa petite enfance et reste aujourd'hui encore militante d'ATD Quart Monde.

Sa fierté : une lettre que lui a adressée personnellement le Père Joseph Wresinski.

Son projet aujourd'hui : développer la fabrication et l'utilisation de la marmite norvégienne auprès des familles défavorisées de Rennes.

Une idée que cette passionnée de sciences mijote depuis des années et qui verra le jour au printemps prochain dans le quartier de Maurepas.

 

 « Je suis Berrichone et j'ai grandi en région parisienne » dit Geneviève Gimelle pour se présenter. Mais depuis 1967, elle est rennaise d'adoption. Et c'est dans cette ville qu'elle milite depuis plusieurs décennies au sein d'ATD Quart Monde. Aux côtés des allié-es - les bénévoles - et des volontaires - les salarié-es - les militant-es représentent la partie la plus représentative du mouvement, ce que Geneviève appelle « le socle ». « On est classés militants quand on connaît ou qu'on a connu la misère ; quand on a ce que le Père Joseph appelait : l'expérience. » résume-t-elle.

De sa misère, elle n'en dira pas plus. On saura seulement qu'avec le mouvement elle a fait le récit de sa vie ; pas un livre « juste un petit document de quelques pages » que le fondateur d'ATD a lu et auquel il a souhaité répondre par une lettre personnelle adressée à Geneviève. Elle l'a bien sûr précieusement gardée et commente avec un regret dans la voix : « il m'a écrit, mais je ne l'ai jamais rencontré ; il est mort peu de temps après. »

« On est des hommes entiers, pas des quarts d'hommes ! »

Geneviève avait entendu parler d'ATD dès sa création mais ce n'est véritablement qu'à Rennes à partir de la fin des années soixante que son histoire rejoint celle du mouvement. Et si elle semble vouer une réelle admiration au « Père Joseph », elle reconnaît n'avoir pas toujours été d'accord avec lui.

Gimelle2« Je venais juste d'arriver à Rennes quand il a appelé ça Quart Monde et ça m'a révolté – se souvient-elle en riant – Je comprenais quart d'humanité et je disais : on est des hommes entiers, pas des quarts d'hommes ! Ce n'est que longtemps après qu'on m'a expliqué que ça faisait référence à la Révolution Française et aux trois ordres : clergé, noblesse et Tiers Etats ; on avait alors voulu créer un quatrième groupe avec les valets de ferme, les domestiques, etc. qui n'avait pas marché mais le Père Joseph avait repris l'idée ! »

Malgré ces débuts un peu difficiles, ATD Quart Monde est donc devenu une deuxième famille pour Geneviève. Et celle qui a connu dès le plus jeune âge les duretés de la vie apprend à y assouvir sa soif de connaissance. « ATD n'apporte pas d'aide matérielle – explique-t-elle encore – C'est fait surtout pour la parole. On prend le temps d'écouter tout le monde, même ceux qui n'arrivent pas à bien s'exprimer. »

Geneviève depuis des années est fidèle aux rendez-vous mensuels des Universités Populaires et a longtemps participé à un groupe de réflexion sur l'accès aux droits fondamentaux. Elle aime débattre des questions de justice ou d'éducation mais s'intéresse aussi à la psychologie et a un attrait particulier pour le domaine scientifique. « Je m'intéresse à beaucoup de choses – reconnaît-elle – J'aime bien la loi parce que c'est clair et j'ai un esprit assez méthodique ! Je lis beaucoup ; quand un sujet m'intéresse, j'essaie de me procurer des documents dessus. »

« Je rentre dans un truc qui commence à prendre de l'ampleur »

C'est grâce à cette curiosité que Geneviève a découvert la marmite norvégienne. Jeune retraitée, voilà une dizaine d'années, elle rencontre l'association Bolivia Inti qui soutient la diffusion dans les pays pauvres d'ustensiles de cuisine écologiques et économes en énergie. Depuis, Geneviève a installé dans sa cuisine une marmite norvégienne qui lui permet de réaliser de substantielles économies.

Contrairement aux fours solaires, par exemple, qui nécessitent un ensoleillement important mais aussi un air extrêmement sec, les marmites norvégiennes s'utilisent partout et peuvent se fabriquer facilement. « C'est une boite isotherme qu'on fabrique soi-même – explique Geneviève – On met la soupe à cuire sur le gaz et quand elle bout, on met la casserole dans la marmite, on ferme bien et on attend quelques heures. Ça cuit et ça reste chaud très longtemps. On peut faire ainsi tout ce qui mijote et c'est très économique. »

A part la plaque d'aluminium qu'on doit acheter, tous les matériaux pour réaliser cette marmite peuvent provenir de la récupération : plaque de polystyrène, cartons, couvertures ou lainages pour l'isolation. Convaincue depuis des années que ce mode de cuisson serait le bienvenu pour tous ceux et toutes celles qui veulent faire des économies d'énergie, Geneviève s'apprête à partager sa découverte.

Au printemps, avec ATD Quart Monde, elle animera un atelier dans le quartier de Maurepas à Rennes où chaque participant pourra repartir avec sa propre marmite. Geneviève est fière d'aider d'autres personnes à construire leur propre marmite même si on la sent un peu amère. « Ça fait des années que j'avais envie de faire ça – explique-t-elle – et maintenant que je peux enfin le faire, je m'aperçois qu'il y a d'autres associations qui proposent la même chose. J'en parlais, j'en parlais, mais je n'arrivais pas à faire quelque chose et voilà que je rentre dans un truc qui commence à prendre de l'ampleur ! »

Peu importe, pour la vieille militante ce qui compte c'est de partager son savoir.

Geneviève ROY

Pour aller plus loin : découvrez le blog de la marmite norvégienne