Une vingtaine de personnes s'était déplacée, le mercredi 27 mars, pour assister à la conférence organisée par l'UDB à Paimpol et animée par Annie Junter, maîtresse de conférence honoraire
de l'université de Rennes 2.
« Au moment de choisir un sujet de thèse - débute-t-elle - je me suis trouvée confrontée à une évidence : l'absence de la femme dans le droit du travail. Face à cette absence, je me devais de réaliser ma thèse sur ce sujet. Je ne vous dis pas la difficulté que j'ai eu à trouver un patron de thèse ! » Et elle poursuit : « C'est là que je me suis sentie féministe ! (...) En fait, au début des années 70, la femme n'existait dans le droit du travail, en France, que comme femme enceinte et ayant accouché ! »
Et les femmes devinrent salariées
La conférencière a décidé de débuter son argumentaire en 1789. A cette époque, la femme était totalement assujettie à l'homme. Dans les pionnières du féminisme, elle cite Olympe de Gouges qui déclara notamment : « la femme a le droit de monter à l'échafaud, elle doit avoir celui de monter à la tribune ! » En 1804, le code civil ne fait que pérenniser la domination des femmes par leur père ou leur mari : c'est le règne du patriarcat .
Il faut attendre la révolution industrielle et 1892, pour voir les premières lois sur le travail des enfants et des femmes. 1920, c'est l'année où est reconnu le droit pour les femmes d'être syndiquées ; et 1944, pour voir le droit de vote accordé aux femmes. Mais, c'est seulement en 1983 qu'Yvette Roudy, ministre de François Mitterrand, fait voter les premières lois sur l'égalité professionnelle.
« C'est dire combien la reconnaissance du droit des femmes s'est faite lentement, avec de brefs moments de progression et de longues périodes de stagnation - poursuit Annie Junter - En fait, la femme, en tant que personne est apparue peu à peu, sortant avec difficulté des seuls rôles qui lui furent longtemps assignés par les hommes et leurs lois. » C'est par le passage à l'ère industrielle, que devenant salariées, les femmes ont pu prendre leur place, peu à peu, dans le corpus législatif.
Le mythe du matriarcat breton
« Existe-t-il des singularités bretonnes ? - s'interroge Annie Junter - Oui, d'une part, parce que longtemps les filles, en Bretagne, furent scolarisées dans le privé et les garçons dans le public : cela signifiait que les filles étaient destinées, pour la plupart, à devenir de bonnes épouses, bonnes mères et femmes exemplaires : le but n'était pas qu'elles travaillent à l'extérieur. A part les ouvrières des sardineries, cela ne changea vraiment qu'avec l'explosion de l'industrie électronique en Bretagne : les patrons trouvèrent une main d'œuvre "aux doigts de fées" pour travailler à la chaîne comme bobineuses ou câbleuses. Mais les femmes acquirent de ce fait des positions sociales différentes de celles d'épouses et de mères, quoique plus tardivement que dans le reste de l'Hexagone. »
Dans les années 80, Yvette Roudy met en place les déléguées régionales au droit et à l'égalité et les centres d'information du droit des femmes. Quant au prétendu matriarcat breton, Annie Junter n'y croit pas du tout, renvoyant dos à dos Jean Markale et Agnès Audibert, créateurs de cette théorie. « Compte tenu du fait que la Bretagne, par son grand tissu associatif, possède un atout indéniable – dit-elle - ce dont nous avons besoin, c'est, d'une part, une évaluation, et d'autre part, de vraies et nouvelles lois. »
Car, féministe, Annie Junter l'est, mais elle n'en demeure pas moins juriste et, pour elle, l'égalité professionnelle des femmes et des hommes passera inéluctablement par le vote de lois.
Claude Thomas