« On n'était pas tous au même niveau de sensibilisation sur les droits des femmes, mais on s'enrichit chaque jour et finalement on apprend plein de choses » reconnaissent-il-elles.
Quand les deux Manon, Antoine, Sarah, Pauline, Agathe, Claudie et Laura se sont lancé-e-s dans leur projet c'était plutôt « la dimension humaniste » qui dominait. Ça a réveillé en elles et lui un « côté féministe » qui finit par « prendre beaucoup de place ».
Sous le nom un peu provoc de Aux règles citoyen-ne-s ces huit étudiant-e-s mettent toute leur énergie dans l'élaboration d'un débat mais aussi d'une collecte de produits à destination des femmes précaires.
En deuxième année de formation d'éducateurs-trices spécialisé-e-s à l'école Askoria de Rennes, le petit groupe met la dernière main à son projet de soirée ciné-débat. « On voulait faire ressortir nos valeurs communes et on s'est très rapidement mis d'accord sur le thème » explique Agathe pour le reste de l'équipe. Quelques chiffres vont les aider à choisir leur thématique : 38 % des personnes à la rue sont des femmes qui par peur des violences fréquentent peu les lieux d'accueil dédiés ; le coût lié aux règles représentent autour de 8000 € dans la vie d'une femme.
Des questions d'hygiène et de santé pour les femmes en situation de précarité et notamment à la rue, il et elles choisissent donc de se recentrer sur « la précarité menstruelle, parce que c'est une inégalité de plus ». Et pour faire dans le concret - et la solidarité – le « prix d'entrée » de leur soirée sera un don de produits d'hygiène féminine (serviettes, tampons, cup ou lingettes). « C'est une question tabou alors on pense que c'est important d'en parler le plus largement possible » défend Antoine. Les produits collectés seront redistribués via l'association Bulles Solidaires, partenaire de l'événement (voir ci-dessous).
« A la base c'était la dimension humaniste qui nous attirait mais rapidement on s'est rendu compte que finalement la notion de féminisme était très importante pour nous » disent Agathe et Manon tandis que Pauline ajoute : « ça grandit de jour en jour, y compris dans nos lectures, parce que plus tu t'y intéresses, plus tu as envie d'aller plus loin ». D'ailleurs, c'est sûr, il et elles referont « autre chose après » !
« On a tout fait au culot ;
on avait des plans B, C, D
et finalement on a eu le film »
En attendant, c'est le 16 mai prochain que le collectif Aux règles citoyen-nes organise au sein de l'école une soirée ciné-débat avec quelques intervenant-e-s issu-e-s d'associations militantes comme Osez le Féminisme 35, Bulles Solidaires ou encore Refugee Women's Center habituée aux interventions auprès des migrantes de Dunkerque. « On voulait une diversité de partenaires pour ouvrir le débat sur les différents champs qui nous préoccupent – détaillent les étudiant-e-s – que se soit la précarité de la vie à la rue ou les inégalités plus générales entre les femmes et les hommes ».Certaines associations qui n'interviendront pas dans le débat seront tout de même représentées grâce à des stands ouverts aux échanges en début de soirée.
C'est autour du film Les Invisibles que Agathe et les autres ont souhaité lancer la discussion. « On a tout fait au culot - s'amuse l'étudiante – On a contacté le réalisateur en se disant que ça ne marcherait pas ; on avait plein de plans B, C, D et finalement, on a pu avoir le film ! C'est cool ! »
Une petite victoire qui encourage ce groupe de « motivé-e-s » bien décidés à remplir l'amphi de 300 places d'Askoria. « C'est une expérience enrichissante – analyse déjà Pauline – qui nous servira forcément plus tard ; ça permet de faire plein de rencontres ». Et de s'essayer à la communication, à la conception d'affiche ou encore à l'étude du budget, avec le soutien bien sûr de l'école.
Geneviève ROY
« Quand on pense à la solidarité (...) on oublie souvent l'hygiène »
Laure-Anna est elle aussi étudiante en alternance à Askoria. Elle est aussi présidente de Bulles Solidaires chargée de la redistribution des produits collectés le 16 mai. C'est elle qui est à l'origine de cette toute jeune association créée en septembre 2017.
« Quand on pense à la solidarité, on pense spontanément à la nourriture ou aux vêtements, éventuellement au logement, mais on oublie souvent l'hygiène – témoigne-t-elle – Bulles Solidaires collecte des produits d'hygiène corporelle qu'elle redistribue aux personnes en situation de précarité. La collecte se fait soit auprès de particuliers dans des boites de collecte installées dans différents commerces soit par des collectes en supermarchés où l'on sollicite directement les consommateurs qui viennent faire leurs courses ; c'est pour nous à chaque fois la garantie d'avoir des caddies pleins à craquer. Nous démarchons également les professionnel-le-s (pharmacies, salons de coiffure, instituts de beauté) qui nous remettent des produits ou des échantillons.
Les produits sont redistribués lors de maraudes organisées notamment à Rennes ou dans des événements bien-être que nous organisons avec des coiffeur-se-s ou des esthéticien-ne-s. (notre photo)
L'association est née à Rennes, mais elle s'exporte. Actuellement, elle est présente en Bretagne, bien sûr, à Quimper, Brest, Lorient, Vannes ou Concarneau, mais aussi à Lyon, Paris et Montpellier. »
Et la jeune femme de 24 ans ajoute : « J'ai eu la chance de m'engager très jeune grâce à l'exemple de mes parents et j'ai pu me rendre compte de mes capacités d'action en tant qu'humaine ; je suis toujours partante quand je peux contribuer à ce que d'autres jeunes s'engagent à leur tour d'une manière ou d'une autre. Et c'est avec plaisir que nous répondons quand des lycéen-ne-s nous sollicitent pour organiser des collectes dans leurs établissements scolaires. Notre présence le 16mai était une évidence. »
Propos recueillis par Geneviève ROY
Pour aller plus loin : le 16 mai à Askoria, avenue du Bois Labbé (bus C4 et 14 ou métro Université), à partir de 18h : ouverture des stands associatifs ; à 19h : projection du film « Les Invisibles » de Louis-Julien Petit suivie d'un débat – réservation en ligne – apporter une boite de protections hygiéniques féminines ou de quoi alimenter une cagnotte destinée à l'achat de produits d'hygiène.