Bien sûr il y a eu Bécassine et ses sœurs bonnes à tout faire chez de riches familles de la capitale. Evidemment, on a retenu la Duchesse Anne et sa destinée royale.

Pourtant, les figures de Bretonnes sont plus nombreuses et souvent moins caricaturales. Mais peu connues aussi.

De temps en temps, ce fut le cas au mois de mars dernier notamment, le Musée de Bretagne propose des visites transversales qui permettent de remonter le temps au fil des collections avec un angle jubilatoire : la place des femmes dans l'Histoire de la Bretagne.

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Petit parcours non exhaustif à compléter sur place selon affinité.

Ça commence avec Brigit, la divinité celte devenue l'emblème du musée du Bretagne, « pièce phare » selon le guide qui se plaît à en conter la petite histoire. Et ça se termine dans la deuxième moitié du vingtième siècle avec une galerie de portraits de Bretonnes (et de Bretons) « ordinaires ».

Ça parle de la Vierge Marie, bien sûr en cette terre de religion, et de Sainte-Anne, sa mère, mais aussi de leurs pendants diaboliques, les harpies nées de l'Antiquité grecque, présentes notamment sur des chapiteaux du Moyen-Age, quand l'Armorique devient la Bretagne.

Anne de Bretagne, a évidemment sa place au musée et est une des rares femmes illustres que compte la Bretagne. On y apprend qu'elle « frappa monnaie » en 1498, un signe en ce temps-là de grande indépendance. Sur la pièce, elle se fait représenter sur le trône tenant le glaive et le sceptre, les instruments du pouvoir et revêtue d'un manteau où se côtoie l'hermine et la fleur de lys.

 

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Dans les vitrines, la présence des femmes au cours de l'Histoire prend les formes d'accessoires de beauté, de coiffure, de flacons de parfum de l'époque gallo-romaine. Elle est naturellement souvent évoquée aussi par des anecdotes sur les rites liés à la maternité. Ainsi, nous dit-on, les femmes d'autrefois vouaient un culte particulier à Sainte-Marguerite, censée protéger des douleurs de l'enfantement. On appliquait sa statue sur le ventre de la femme qui accouchait ou on lui racontait son histoire durant le travail. Mais le mieux était encore que la femme puisse tenir au creux de sa main la ceinture de Sainte-Marguerite ; il en existait quatre en France, dont une dans le pays de Dol. Ce n'est pas un hasard, sans doute, si Marguerite est le prénom le plus fréquemment donné aux petites Françaises, après celui de Marie, du 12ème au 18ème siècle. A partir du 17ème siècle, l'Eglise, soucieuse de se débarrasser de certaines pratiques et notamment des rites de guérison ou de fécondité, condamne cette trop grande dévotion à la sainte dont on détruit les statues. Celle du musée aurait donc échappé au massacre.

Durant l'Ancien Régime, le crime d'infanticide est assez fréquent et bien sûr passible de la peine de mort. Au Parlement de Bretagne sont jugées les jeunes femmes accusées d'avoir tué leur enfant. Certaines, venues de la partie bretonnante de la région, ne parlent pas le français et n'ont certainement pas les moyens de se payer un interprète. Les jugements sont rendus de manière expéditive. Et la plupart du temps, le père de l'enfant, souvent de milieu social plus favorisé que la mère, est absent et naturellement échappe à toute condamnation. Des épisodes sombres de l'histoire des femmes en Bretagne que l'on retrouvent dans les gwerzes, ces chansons traditionnelles, sorte de complaintes qui disent la vérité plus sûrement que les minutes des procès de ce Parlement qui se taille une réputation de « justice à deux vitesses, dure aux humbles et favorable aux privilégiés ». (1)

 

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L'époque moderne montre des figures assez diverses voire contradictoires des femmes Bretonnes. Celles toutes de noir vêtues, bigotes qui se rendent en procession ou en pèlerinage ; et celles, qui drapeau rouge flottant au vent, marchent à grand sur les chemins de la revendication sociale comme ces Penn Sardin peintes par Charles Tillon à Douarnenez. Le Musée rappelle également qu'avec la révolution industrielle, la région autrefois riche où les ouvriers agricoles recevaient les salaires les plus élevés de France, s'appauvrit au point de voir progressivement sa population émigrer au profit des grandes villes. Les femmes ne sont bien sûr pas épargnées par cet exode rural, elles qui se retrouvent nourrices ou domestiques dans les maisons bourgeoises de Paris où les petites filles des bonnes familles se réjouissent des aventures de Bécassine dans la Semaine de Suzette.

Geneviève ROY

1 - Pour aller plus loin : "La complainte de la plainte" d'Eva Guillorel éditée aux PUR en 2010