L'objectif est double : valoriser des artistes inconnues et donner des modèles aux filles d'aujourd'hui pour assurer un avenir à la culture.

Parce que quand on dit culture on parle souvent au masculin ; parce que les journées du patrimoine – littéralement « l'héritage des pères » - ne mettent en lumière qu'une partie souvent masculine de notre héritage culturel, le mouvement HF a choisi de rendre leur place aux femmes.

 

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Avec M ton Matrimoine, il s'agit bien de rétablir « l'héritage des mères ». En Bretagne aussi on veut mettre ou remettre en valeur cette moitié de l'humanité que les livres d'histoire – y compris ceux d'histoire de l'Art – ont trop tendance à oublier.

 

 

 Au sein de l'association HF Bretagne, Elise Calvez est responsable de la commission Matrimoine. Un mot et une campagne apparus l'an dernier lorsque HF Ile-de-France a commencé à vouloir redonner aux femmes toute la place qu'elles méritent dans les différentes disciplines artistiques.

« C'est un axe de travail intéressant – dit Elise Calvez – parce qu'il permet des actions positives. D'ordinaire, on est dans le constat de ce qui ne va pas, de l'absence des femmes notamment dans les manuels consacrés aux peintres, aux photographes, aux artistes de théâtre sauf si l'on parle des sujets ou des muses ! » Avec l'événement M ton Matrimoine, on peut selon elle « ouvrir une nouvelle porte de notre histoire commune et de notre héritage culturel commun » ; une opération qu'elle juge à la fois « vertigineuse et excitante » !

Des découvertes excitantes

Si HF Bretagne – comme ses camarades des douze autres associations de France – s'empare de cette question du matrimoine notamment en répertoriant les femmes artistes de toutes disciplines et de toutes époques, l'association incite aussi ses partenaires à entrer dans le projet et plus particulièrement lors des journées du patrimoine. Une occasion pour fouiller les archives, ressortir les collections des conservatoires et des musées. « Pas simplement parce que ce sont des femmes » précise Elise Calvez, mais d'abord et surtout pour les belles surprises que cette recherche procure.

« C'est passionnant – dit encore la jeune femme – parce qu'on découvre des cartons qui n'ont jamais été ouverts et qui révèlent des chefs-d'œuvre ! » On sait trop peu par exemple que les « pionniers de la photographie, étaient en réalité souvent des pionnières ! » De même pour le théâtre, discipline de prédilection d'Elise Cavez qui travaille à la bibliothèque de l'ADEC.

MatrimoineCette année, elle a fait appel à Aurore Evain qui viendra le 21 septembre montrer lors d'une conférence combien les femmes ont pu être présentes – et talentueuses – dans le théâtre de l'Ancien Régime.

« Des femmes – explique Elise Calvez – aujourd'hui complètement inconnues ont écrit des pièces pertinentes, enlevées, drôles dont certaines furent jouées à la Comédie Française. C'est très excitant de découvrir ces textes ; on a vraiment l'impression d'avoir un nouveau territoire de jeu et d'apprentissage. Ça nous enrichit pour la pratique artistique d'aujourd'hui et ça nous fait réfléchir aux modèles que l'on souhaite transmettre. »

Urgent pour le passé mais aussi pour l'avenir

En effet, confirme Céline Le Corre, coordinatrice de HF Bretagne, « si les femmes ont longtemps été moins visibles, elles n'en étaient pas moins présentes. » Leur effacement a-t-il été volontaire ou ont-elles simplement été victimes d'un inconscient collectif visant à valoriser davantage le masculin ?

Il faut en tout cas reconnaître que si on s'interroge aujourd'hui sur la place des femmes dans les arts, on doit bien tenir compte des modèles qui manquent pour susciter les vocations ; alors que les femmes sont partout, des lieux d'études où les étudiants sont en majorité des filles aux associations où elles sont majoritaires parmi les bénévoles.

« Il faut rétablir la balance - estime Elise Calvez - ça nous semble urgent, pour le passé mais aussi pour l'avenir ! » Et ce n'est pas un hasard si la conférence de mercredi aura lieu à l'Université, lieu où se déroulent les cursus d'études d'Histoire de l'Art et d'arts du spectacle. HF souhaite aussi faire réfléchir les étudiant-e-s à leurs pratiques futures.

A poursuivre toute l'année

logoHFSi les journées du patrimoine ne durent qu'un week-end, HF entend bien poursuivre son chantier toute l'année. « Les femmes ce n'est pas un thème » assure Céline Le Corre qui estime qu'il ne faut pas se contenter des événements ponctuels pour les mettre en lumière.

Du côté de la Bretagne on a ainsi entamé une recension des femmes intellectuelles et artistes du passé, nées ou ayant vécu dans la région, parfois de façon éphémère comme Colette ou Sarah Bernhardt, souvent plus longuement comme la chanteuse de jazz Mirou ou la créatrice de BD Jo Manix. L'association s'est fixé la mission de rédiger des fiches biographiques pour alimenter le site national matrimoine.fr et la page facebook du mouvement. Toutes les idées sont les bienvenues ; Elise Calvez insiste sur le côté participatif de l'opération appelant chacun-e à faire connaître ses découvertes dans quel que domaine que se soit y compris la culture traditionnelle très forte en Bretagne.

Ce répertoire de noms de femmes devrait également servir à mener une campagne auprès des municipalités dans l'espoir de voir des rues baptisées ou rebaptisées. Un premier affichage « sauvage » était organisé à Rennes à la veille des journées du patrimoine. « Des noms de bataille ou de généraux, il y en a partout – s'amuse Elise Calvez – ça vaut le coup de changer un peu y compris dans les centres villes et pas seulement dans les nouveaux quartiers, un peu éloignés ! »

Geneviève ROY

Pour aller plus loin
La conférence d'Aurore Evain, « Femmes autrices et dramaturges de l'Ancien Régime » se déroulera le mercredi 21 septembre à partir de 18h à l'Université Rennes 2, amphi B4. En partenariat avec le département Arts du spectacle et le service culturel de l'Université