Violaine Lucas a choisi la cause des femmes. Professeure de Lettres à Saint-Nazaire, elle est aussi présidente de l'association Choisir fondée par Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir au début des années 1970.

Avec les bénévoles de l'association, elle scrute avec beaucoup d'intérêt ce qui se passe en Europe. Suivant l'intuition de sa fondatrice, Choisir promeut la « clause de l'Européenne la plus favorisée » autrement dit la mise en place d'un ensemble de lois qui permettraient à toutes les femmes de l'UE de bénéficier des meilleures dispositions en matière de droits des femmes.

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A quelques semaines des élections européennes, l'occasion semblait belle pour se questionner sur l'importance de l'Union Européenne dans la vie des femmes des différents pays membres. Au moment où partout dans le monde les régimes autoritaires progressent et en parallèle les droits des femmes régressent, Breizh Femmes et l'association Femmes du Monde et Réciproquement ont eu envie en partenariat avec la Maison de l'Europe de Rennes de donner la parole à quelques femmes engagées sur le sujet.

Au nom de Choisir la cause des femmes, sa présidente Violaine Lucas est venue à Rennes présenter le travail de comparaison auquel l'association se livre depuis plus de quinze ans et qui a déjà donné lieu à deux publications. Le premier ouvrage, édité en 2008, a été complété fin 2023 par une nouvelle édition dans laquelle on peut trouver vingt-et-une lois sélectionnées par l'association à travers toutes les législations des états membres.

«  Il y a une vraie demande de solidarité

et de soutien de la part des femmes

vis-à-vis de l'UE ».

Dès le début des années 80, Gisèle Halimi, fondatrice de l'association Choisir, estimait que militer pour le meilleur de l'Europe pour les femmes mais aussi en faveur de la paix, de l'abolition de la peine de mort et de la protection de l'environnement garantirait la démocratie pour toute l'UE. « Elle était avocate – explique Violaine Lucas – elle savait que pour agir efficacement, il faut modifier les lois ». Grâce à la médiatisation des procès de Bobigny en 1972 puis d'Aix en 1978, elle avait déjà fait avancer notablement les lois sur l'avortement et la criminalisation du viol en France.

Affiche15maiA partir de 2005, Choisir commence un grand travail d'analyse des situations des femmes en Europe suivi de la publication d'un premier livre puis d'un colloque à l 'occasion de la présidence française de l'UE. C'est aussi le début d'un travail de lobbying et certains partis politiques inscrivent dans leurs programmes la clause souvent appelée clause Halimi, s'engageant ainsi à appliquer à toutes les citoyennes européennes, un ensemble législatif fondé sur les lois les plus favorables aux femmes existant déjà dans des pays de l’UE.

A l'été 2022, l'association décide de réactualiser l'étude de 2008, cette fois-ci pas à distance depuis la France mais directement dans les différents pays. Ainsi c'est à travers toute l'UE, de la Hongrie à l'Irlande et de l'Espagne à l'Autriche, en passant par les pays baltes, la Suède, la Slovaquie ou encore la Belgique que les bénévoles sont parties à la rencontre des Européennes. Seuls six pays n'ont pour le moment pas été visités.

Et le premier constat est encourageant : l'approche proposée par Choisir répond aux besoins des citoyennes de tous les états. « Nos revendications (choix de la maternité, indépendance économique, droits LGBT) sont partagées.  Il y a – dit encore Violaine Lucas – une vraie demande de solidarité et de soutien de la part des femmes vis-à-vis de l'UE ». On est en effet loin d'une uniformisation en termes législatifs. Elle constate des différences entres les citoyennes européennes, entre les citoyennes d'un même pays, entre les femmes racisées et les autres, selon les orientations sexuelles, religieuses ou les classes sociales, mais aussi entre les citoyennes européennes et les migrantes...

« On a travaillé sur la faisabilité juridique,

nous avons maintenant besoin

d'une faisabilité politique »

Le continent européen est la région du monde qui compte le plus de pays – membres de l'Union ou pas - dans les dix premiers états identifiés par le Forum Economique Mondial pour les droits des femmes (Islande, Norvège, Finlande, Suède, Allemagne, Lituanie, Belgique). Pourtant, Violaine Lucas rappelle l'obligation à rester vigilantes. Et son voyage à travers l'Europe lui donne nombre d'arguments.

Stérilisation forcée des personnes en situation de handicap dans treize états de l'Union, avortement difficile en Pologne ou en Italie où les associations anti-choix viennent d'être autorisées à entrer dans les cliniques pratiquant l'IVG, droits des femmes et des personnes LGBTQI laminés en Hongrie, 44% d'écart de revenus entre les femmes et les hommes au moment de la retraite au Luxembourg... Les exemples sont nombreux quand il s'agit de faire le bilan de ce qui pose problème dans les différents pays.

Dans certains endroits, comme la Pologne par exemple, « le combat est tellement dur et tellement violent que les militantes sont exténuées » raconte Violaine Lucas qui relève aussi ce témoignage d'une femme hongroise disant : « souhaitez moi de ne pas avoir à quitter mon pays » ; ou encore de cette femme serbe dont l'amie polonaise est obligée de faire son suivi de grossesse en Serbie faute de soins adaptés chez elle. 

« Il y a des pays où on a trouvé de l'espoir » nuance heureusement Violaine Lucas. L'Irlande ou l'Espagne en font partie. Sur les vingt-et-une lois présentées dans son ouvrage, Choisir en cite une dizaine adoptée par l'Espagne qui continue à faire figure de modèle en matière de droits des femmes en Europe.

Lutte contre les violences sexistes et sexuelles, droits sexuels et reproductifs, droit de la famille, droits LGBTQI, indépendance économique, participation à la vie politique, c'est dans tous les domaines de la vie des femmes que Choisir a comparé les avancées. « On a travaillé sur la faisabilité juridique – dit encore la présidente – mais nous avons maintenant besoin d'une faisabilité politique ». A l'heure où les extrêmes droites semblent se régénérer dangereusement dans tous les pays d'Europe, il faut espérer une harmonie entre différents groupes portant cette même ambition pour que l'UE soit vraiment une chance pour les femmes !

Geneviève ROY

Pour aller plus loin :
lire « Le meilleur de l'Europe pour les femmes » nouvelle édition actualisée (2023) aux Editions des Femmes
signer l'ICE (initiative citoyenne européenne) en faveur de l'avortement « sûr et accessible » dans tous les pays de l'UE