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C'est une exposition un peu particulière qui est présentée à Rennes par l'association Atypik. Sans le savoir, les visiteur-ses sont invité-es à une sorte de danse dans la petite salle de la Maison des Associations.

Les quelques photos qui s'affichent aux murs ont été soigneusement triées parmi les plus de 7000 clichés réalisés en 2017 à l'occasion d'un partenariat entre Danse à tous les étages et plusieurs associations d'accueil de personnes en situation de handicap.

Un regard Décalé à la fois sur le corps, sur le mouvement et sur soi.

 

Emmanuel Duday et Erwan Halgand sont tous les deux photographes. Le premier se définit comme un « professionnel », le second comme un « dilettante ». Tous deux sont aussi membres de l'association Atypik qui regroupe à Rennes des personnes en situation de handicap psychique. Il leur a fallu du temps et de l'énergie pour sélectionner les photos présentées dans le cadre du mois de mars dédié aux droits des femmes. Sur un total de 7200 images, seules 21 ont été conservées. L'objectif pour Pascal, coordinateur de l'association : « présenter quelque chose de poétique et d'intime sur ce qui s'est joué dans ces relations entre les danseuses ».

Une histoire de confiance

A l'origine du projet se trouve un programme de l'association rennaise Danse à tous les étages intitulé « Valorisons ». Pendant une durée de trois mois, des personnes, hommes et femmes, porteuses de handicap se retrouvent pour « devenir danseur-ses » autour d'un chorégraphe professionnel. Pour cette édition de 2017, il s'agissait de Dominique Jégou et le souhait était de garder une trace en images.

Les deux passionnés de photographies d'Atypik ont d'emblée adhéré au projet et ont cherché – et semble-t-il réussi – à s'effacer pour se faire oublier de leurs sujets photographiés. Parfois réticentes au départ, les danseuses – puisque pour l'exposition n'ont été retenues que des photos de femmes – reconnaissent aujourd'hui être plutôt satisfaites du résultat. « J'ai du mal à m'accepter telle que je suis avec mon handicap » témoigne par exemple Clémentine, qui ajoute dans un rire : « mais là, je trouve les photos très belles ! »

expo2Depuis longtemps Atypik qui « milite pour la reconnaissance et le plein accès à la citoyenneté » des personnes malades psychiques avait envie de s'emparer de la question des droits des femmes. Cette exposition, qui figure dans la programmation de Rennes Métropole et sera à nouveau présentée lors de la Semaine de la Santé Mentale, est « l'occasion de dire que les femmes qui ont des troubles psy ou d'autres formes de handicap – physiques, sensoriels, etc – ont les mêmes droits que tous-tes les citoyen-nes ».

Pas de danse et droits des femmes

Et puisqu'il s'agit de danse, les photographes ont aussi voulu inviter les visiteur-ses à esquisser quelques pas. « Ça oblige à se déplacer dans la pièce, sans s'en rendre compte en formant un cercle, comme si on dansait » s'amusent-ils.

Conçue comme un hommage au cinématographe des premiers temps qui déroulait ses images saccadées, l'exposition se constitue de plusieurs suites de clichés représentant la ou les mêmes personnes dans un même mouvement. « Il y a juste un léger décalage entre deux photos montrant le début et la fin d'une même action » explique Pascal à l'occasion du vernissage. Et Adeline éducatrice de plusieurs femmes présentes dans le projet précise : « c'est aussi une façon de porter un regard décalé sur nous-mêmes » .

Pas toujours facile en effet pour ces femmes de s'accepter et de se regarder. L'expérience aura surtout été pour elles une occasion de renforcer leur estime de soi. C'est d'ailleurs le mot confiance qui revient le plus souvent dans leurs propos. Valérie parle de l'importance de « mieux connaître [son] corps » et Clémentine explique : « Ça faisait longtemps que j'avais envie de faire de la danse. Etre avec d'autres personnes en situation de handicap comme moi, ça m'a rassurée. Avant je me sous-estimais, je n'avais pas trop confiance en moi ».

Comme les deux photographes, les danseuses et leur accompagnatrice se félicitent surtout d'avoir mené le projet à son terme. « C'est une très belle opportunité – dit Adeline s'adressant à « ses » danseuse – d'avoir imaginé que ce projet pouvait vous correspondre et d'avoir vu tout ce que vous avez pu déployer comme efforts et comme volonté. Ça m'a beaucoup apporté professionnellement et humainement. »

Des impressions partagées par Erwan qui résume à sa manière : « ça fait plaisir d'aller jusqu'au bout d'une démarche et d'être reconnu. Ce n'est pas facile en tant que personne avec troubles psychologiques ; moi, c'est la première fois que ça m'arrive en quarante ans ! »

Geneviève ROY

Pour aller plus loin : l'exposition Décalé est à la Maison des Associations jusqu'au 27 mars

ATTENTION - Suite aux mesures prises pour enrayer l'épidémie de Covid 19 à compter du 12 mars, l'exposition a été suspendue