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Elle tient à commencer l'entretien par une petite visite des locaux. Le Manoir, vieille bâtisse au cœur d'un parc, abrite l'association Réso'Forces avec quelques autres bénéficiaires accompagnés par cet « impulseur de projets ».

Brigitte Chollet est fière de ce « lieu ressource » qu'elle met à profit pour développer ses actions en faveur de personnes souffrant de cancer ou de burn-out. Son objectif : réconcilier travail et maladie ; elle sait qu'une personne sur trois atteinte d'un cancer va perdre son emploi dans les cinq ans suivant l'annonce de son diagnostic.

Si The Land, à l'Ouest de Rennes, lui a ouvert ses portes c'est parce que l'accompagnement qu'elle a imaginé cultive un lien très fort avec la nature, notamment à travers la sylvo-thérapie.

Un parcours qui emprunte différents chemins pour assurer après la maladie « un retour à l'emploi sécurisé et durable ».

 

« A cinquante-cinq ans, j'ai enfin trouvé ma place » soupire Brigitte Chollet, radieuse devant le tableau où se dessine le parcours Rebonds qu'elle a déjà proposé à plus d'une trentaine de personnes, quelques-unes sujettes au burn-out, épuisement professionnel ; la plupart luttant contre un cancer. Toutes, ou presque, des femmes.

C'est à l'occasion de sa propre maladie que Brigitte a eu cette intuition : lorsque l'on doit affronter l'épreuve de la maladie, il ne faut pas attendre la fin des traitements pour se projeter dans une future vie professionnelle. Souvent, en effet, cette cassure dans la carrière permet de se poser des questions sur soi et son rapport au travail ; « ce n'est pas - dit-elle - un trou dans le CV, c'est une force ! »

Sa maladie, elle l'a considère aujourd'hui comme une « opportunité ». « Pendant vingt ans, j'ai été directrice d'une agence dans l'ingénierie numérique – explique-t-elle – j'avais mis de côté ce qui me fait vraiment vibrer. A 45 ans, j'ai pu me poser la question : qui suis-je ? Qu'est-ce que j'aime faire ? Et surtout qu'est-ce que je vais faire de ma vie dans les années à venir ? »

 

« Sur la table d'opération,

je pensais déjà à mon nouveau projet »

 

C'est en tatonnant qu'elle redécouvre ce qu'elle aimait petite fille : les mots, l'écriture, la danse. « Je ne m'étais pas rendu compte que c'était tellement vital pour moi » avoue-t-elle aujourd'hui. Et parce que Brigitte est une femme « engagée qui veut faire [sa] part dans le monde » elle décide de remettre les compteurs à zéro et de changer d'activité professionnelle.

« Sur la table d'opération, je pensais déjà à mon nouveau projet » raconte-t-elle avec chaleur, persuadée que cette énergie a soutenu sa guérison. Son nouveau projet, elle le réalise très vite et devient coach parce qu'elle se souvient que toute petite déjà, elle aimait « révéler le talent des autres » et qu'elle découvre que c'est désormais un « vrai métier ».

Brigitte Chollet crée à Rennes en 2011 Osehom, un organisme de formation, et anime pendant six ans des séminaires de cohésion d'équipes avec dit-elle « mon approche à moi de communication non violente » ; elle y développe des activités artistiques (théâtre d'improvisation, jeux de rôles, etc.) et en parallèle propose du coaching individuel à des personnes en reconversion ou en questionnement sur leur projet professionnel. Ce qu'elle dit adorer alors c'est mettre en lumière « les pépites de chacun ».

 

« Je ne veux pas reprendre mon emploi,

mais je ne sais pas quoi faire »

 

C'est un autre accident de la vie qui fera évoluer son projet. Suite à une récidive de cancer, elle est en cure à la Roche-Posay et y rencontre de nombreuses femmes dans la même situation. Ce qui les angoissait, toutes, c'était le « après ».

« J'ai discuté – se souvient-elle - avec beaucoup de femmes qui étaient là et toutes disaient : je ne veux pas reprendre mon emploi mais je ne sais pas quoi faire ! J'étais passé par cette case-là, alors j'ai cherché ce qui, moi, me faisait me lever le matin ».

resologoAinsi nait Réso'Forces, « lieu ressource aux approches multidisciplinaires » où Brigitte veut « rompre l'isolement des malades » et « décloisonner le monde médical, le monde professionnel et la médiation artistique et psychologique au service de la guérison ». Son objectif : réunir toutes les réponses en une seule pour que les personnes qui le souhaitent puissent regagner confiance en elles. « Je me suis inspirée de la définition de l'OMS – dit-elle – le bien-être global d'une personne passe par les dimensions psychologiques, sociales et physiques ».

Quand on est confronté à la mort, pense-t-elle, il faut du temps pour retourner vers l'emploi, le temps nécessaire pour « se restaurer profondément » ; elle sait par ailleurs que ce temps n'est pas lisse mais qu'il passe par des « moments énergisants et des moments de doute ».

Elle imagine alors le parcours Rebonds qui permet sur six mois d'alterner les ateliers collectifs et les séances individuelles de sophrologie, art-thérapie, danse, philosophie ou encore écriture de slams ou équi-thérapie. « Ce n'est pas faire un loisir – défend-elle – ce sont vraiment des ateliers à visée thérapeutique » ; et pour cela elle s'entoure d'expert.es des différentes disciplines proposées.

 

« Je me sens pousser des ailes (…) ;

je suis redevenue ce que j'étais petite »

 

Fondé en février 2019, Réso'Forces accompagne surtout des femmes ; Brigitte Chollet suppose que les hommes ont plus de difficultés à vivre au grand jour leurs moments de fragilité. Et l'association aujourd'hui forte de trois salariées (dont Brigitte, directrice) et de trois étudiantes alternantes propose désormais des accompagnements spécifiques pour les familles (parcours Répit) et pour les entreprises (parcours Résilience).

Surtout, ce projet innovant, unique en France, intéresse de plus en plus les professionnel.les de la santé. A tel point que l'ARS envisage de lui confier une mission d'envergure sur toute la Bretagne. Il pourrait s'agir de l'accompagnement de 500 personnes sur cinq ans. Et Réso'Forces devrait alors recruter et développer des antennes dans le Morbihan, le Finistère et les Côtes d'Armor.

« Je me sens pousser des ailes » se réjouit Brigitte Chollet qui assure : « à 55 ans, je suis redevenue ce que j'étais petite et mon souhait c'est de permettre aux autres de vivre cette liberté d'être soi ». Cette « boulimie de connaissance de soi » qu'elle a connue lors de son premier cancer du sein, elle veut la transmettre pour que d'autres aussi parviennent, par-delà la maladie, à « trouver l'équilibre entre soi, ses valeurs et les autres. »

Geneviève ROY