Le nom sonne comme une promesse de remise en confiance, la volonté de retrouver un peu d'estime de soi. Mais quand on creuse un peu, on s'aperçoit que ESTIMnumérique n'est autre que l'acronyme de Entreprise, Synergie, Territoire, Inclusion, Mixité. Une idée née de l'envie personnelle de Cécile Martin, aujourd'hui présidente de l'association.
Travaillant dans le numérique, la jeune femme prend conscience voilà quelques années du manque de femmes dans ce secteur d'activité. Elle décide d'une part de les inciter en leur montrant toutes les possibilités offertes par ces métiers et d'autre part de mettre les entreprises en mouvement pour leur donner l'envie d'ouvrir davantage leurs portes aux femmes.
D'un côté comme de l'autre, beaucoup de stéréotypes à déconstruire. Le rendez-vous proposé en ligne ce 28 mai, l'EVENT, est l'occasion d'en savoir plus sur cette structure et ses nombreux projets.
Et c'est Arthur Tarroux, chargé de mission mixité, qui nous en dit plus.
Breizh Femmes - Le premier rendez-vous a eu lieu à Rennes en 2016 sous le nom de Numéri Femmes. Que s'est-il passé depuis ?
Arthur Tarroux - On a souvent l'image de professionnels du numérique façon geek, des hommes le plus souvent. Or, il existe plein de métiers différents. C'est Cécile Martin qui avait eu l'intuition d'inciter les femmes en recherche d'emploi et/ou en reconversion professionnelle à aller vers ces métiers. Suite à cette édition de Numéri Femmes en 2016, elle en a proposé trois autres et toutes ont connu beaucoup de succès. De là est née l'association ESTIMnumérique qui emploie aujourd'hui deux salarié-es. L'événement a aussi changé de nom pour devenir l'Event mais le fond reste le même et l'idée est toujours de faire se rencontrer des femmes et des entreprises.
Que proposez-vous le 28 mai ?
Arthur Tarroux - La journée se déroule autour de trois thématiques. Notre mantra d'abord : osez ! L'artiste slameuse Diariata N'Daye, fondatrice de l'association Résonantes, viendra apporter son témoignage et notamment expliquer comment elle a créé, sans rien connaître au digital, une application pour sensibiliser les 18/25 ans aux questions de violences faites aux femmes.
Notre deuxième thématique s'intitule « Comprendre demain ». Il s'agit d'une table ronde destinée à identifier des problématiques qui vont s'imposer dans les cinq ou dix ans à venir. Cette année, nous parlerons e-santé et cybersécurité. Enfin, notre troisième thématique concerne l'impact environnemental du numérique.
A l'heure du déjeuner nous proposerons un corner emploi où seize experts RH accompagneront des femmes sur leur parcours professionnel ; c'est un atelier à vocation de coaching, une heure de feed good où on travaillera sur le CV ou la préparation d'un entretien mais aussi sur la reprise de confiance en soi. Et en même temps, une conférence traitera de l'impact de la crise sanitaire sur l'égalité entre les femmes et les hommes.
L'après-midi nous nous intéresserons à trois secteurs d'activité et à l'impact du numérique sur ces métiers que sont ceux de l'agroalimentaire, du BTP et des services publics. Nous finirons par une conférence de Mélissa Cottin, notre directrice, sur la place des femmes dans le numérique.
Quelle est la dimension régionale de ESTIMnumérique ?
Arthur Tarroux - Cette édition est entièrement en ligne et donc y participer n'est pas conditionné au fait de vivre sur le territoire breton. A terme, on souhaite développer ce type d'événements sur les quatre départements bretons mais aussi en Loire-Atlantique avec l'idée de prendre en compte les particularités de chaque territoire et leurs besoins spécifiques sur des filières particulières. L'édition 2021 sera unique et en 100% distanciel ce qui peut nous permettre de toucher un public géographiquement plus large. Aujourd'hui, nous sommes une petite structure et donc nous choisissons de centrer nos actions sur les quatre départements bretons et la Loire-Atlantique. Demain, on espère bien pouvoir essaimer au niveau national mais il faut savoir grandir tranquillement pour faire les choses bien !
Quelles sont vos autres actions durant l'année ?
Arthur Tarroux - Nous avons deux types d'action. ESTIMnumérique est un peu comme une pièce avec deux faces complémentaires. D'un côté, des actions grand public gratuites ouvertes à tous et toutes mais principalement destinées aux femmes. D'un autre côté nos services à destination des entreprises. Pour le grand public nous proposons des temps de conférences, de réflexions collectives sur des questions assez précises comme par exemple l'articulation des temps de vie entre vie professionnelle et vie personnelle mais aussi des temps de vulgarisation autour des enjeux du numérique comme les risques liés à l'utilisation d'internet par exemple ; ou encore des temps de présentation de métiers en lien avec des offres de formation présentes sur le territoire, de l'accompagnement de femmes en reconversion professionnelle, notamment les quarante ans et plus qui sont pour nous prioritaires.
Partant du constat qu'aujourd'hui encore 20% des Français-es déclarent ne pas savoir utiliser les outils numériques, nous proposons aussi des temps de découverte et d'initiation pour réduire cette fracture numérique. La prochaine session aura lieu à Ploufragan le 12 juin. Nous incitons les femmes à aller vers les métiers du numérique, mais il faut aussi que de l'autre côté les entreprises soient formées et sensibilisées à cette question de la mixité et de l'égalité professionnelles. Nous les accompagnons sur l'identification de leurs problématiques en interne mais aussi l'analyse des données statistiques genrées notamment les écarts de salaire entre femmes et hommes, les formations, le recrutement...
On sait qu'environ 25% des diplômé-es dans le numérique sont des femmes, or, on ne retrouve que 15% de candidatures féminines dans les métiers du numérique en Bretagne ; ces dix points d'écart, il faut bien les expliquer et ESTIM est là pour montrer aux entreprises quels sont les leviers possibles pour elles. Par exemple la rédaction des offres d'emploi peut être travaillée pour attirer davantage de femmes ; c'est ce que j'appelle des discriminants doux, des petites choses qui vont bloquer les candidatures féminines : une liste de missions trop longue, la mention d'un temps complet sans précision qu'il peut être négocié, les déplacements dits fréquents non explicités, etc. Nous invitons les entreprises à être plus précises car ce n'est pas la même projection par exemple pour les candidat-es entre des déplacements cinq jours sur cinq ou trois jours par mois !
C'est plein de petites choses comme ça que les entreprises pratiquent depuis longtemps ; aujourd'hui, on sait qu'il y a de nombreuses contraintes au niveau environnemental, sur l'égalité, sur le handicap, etc. donc nous essayons de rassurer les entreprises en leur disant que l'idée n'est pas de faire plus mais de faire différemment. C'est ce qu'on appelle chausser les lunettes de l'égalité. Dans tous les cas, que se soit avec les femmes ou avec les entreprises, notre objectif vise à déconstruire les stéréotypes sans aucune volonté d'être moralisateurs, bien sûr. Nous avons tous et toutes grandi dans la même société avec les mêmes représentations. On ne va pas tout gommer comme ça, il faudra plusieurs générations pour que les stéréotypes tombent, par contre en apprenant à les identifier on apprend aussi à les rendre inactifs !
Propos recueillis par Geneviève ROY
Pour aller plus loin : participer à la journée du 28 mai – inscription en ligne pour chacun des temps souhaité (pas de participation obligatoire pour toute la journée) – voir le programme précis : ici
Photo : édition de février 2020 à Vannes, à retrouver en vidéo