« Les premiers agissements sexistes laissent ouverte la voie à d'autres violences allant jusqu'au viol ou au féminicide ».
Telle est la conviction des membres de l'association Osez le Féminisme qui milite entre autres contre l'industrie pornographique qui diffuse des vidéos contenant dans 90% des cas des violences physiques et sexuelles.
A l'occasion des journées du mois de novembre contre les violences faites aux femmes, une conférence organisée à Rennes a permis de faire le point sur ce sujet rarement abordé et qui pourtant est souvent la première représentation des relations sexuelles à laquelle ont accès les jeunes voire désormais les enfants.
L'objectif d'OLF n'est pas de se présenter comme un mouvement « moralisateur » mais bien d'alerter sur une réalité qui contribue chaque jour à renforcer les stéréotypes de genre et à consolider les inégalités entre filles et garçons. Des arguments étayés par le rapport du Haut Conseil à l'Egalité qui demandait dès septembre 2023 la « fin de l'impunité de l'industrie pornographique » parlant même de « pornocriminalité ».
L'envie de reproduire les images, la peur de refuser
« La pornographie c'est de la prostitution filmée » déclarent Céline Marfaing et Maïna Cerniawsky, membres de l'association nationale, invitées par OLF 35 fin novembre à Rennes, qui rappellent que les « actrices » des vidéos pornographiques ne sont jamais consentantes pour les scènes de violences et très largement exploitées.
Elles dénoncent des films érotisant la violence jusqu'à en faire des modèles. 70% des jeunes hommes qui consomment régulièrement de la pornographie déclarent ainsi dans les enquêtes avoir envie d'essayer avec leurs partenaires ce qu'ils voient à l'image. Et 42% pensent que les filles apprécient les actes d'agression sexuelle. Parmi ces mêmes garçons consommateurs d'autres déclarent renoncer aux relations sexuelles avec les filles dont ils sont amoureux car ils ne veulent pas « leur faire mal ».
De leur côté, les jeunes filles, socialisées également avec ce type de représentations violentes, se sentent contraintes d'accepter des situations de violences physiques ou psychologiques par « peur d'être quittées ». La pornographie renforce la valorisation de la soumission des filles et des femmes en banalisant la violence comme normale voire attendue dans les actes sexuels. Les adolescentes qui consomment de la pornographie, préviennent les militantes d'OLF, sont quatre fois plus susceptibles d'être victimes de violences sexuelles.
Un problème de santé publique et le renforcement des inégalités
Outre les violences sexistes et sexuelles, la pornographie véhicule des violences racistes et homophobes. Elle joue sur les stéréotypes coloniaux réduisant les femmes à des identités fantasmées : la femme noire animalisée, la femme asiatique soumise et infantilisée, etc.
On ne peut que s'alarmer de l'emprise de ce type d'images sur des adolescent.e.s au moment où ils et elles construisent leur imaginaire sexuel et amoureux. En particulier lorsque ces vidéos représentent un tiers du trafic sur internet et touchent plus de deux millions de mineur.e.s chaque mois en France. Elles sont accessibles librement et gratuitement à partir de n'importe quel téléphone, à toute heure pour une consommation largement masculine (73%) mais aussi de plus en plus jeune. La première exposition à des images pornographiques (involontaire évidemment) se fait généralement dès l'âge de dix ans.
Les conséquences sont nombreuses à la fois en termes de santé publique et de renforcement des inégalités et des codes sociaux genrés, la domination et la prise d'initiative pour les uns, la soumission pour les autres. Pour les jeunes femmes, des pratiques violentes peuvent avoir des conséquences graves sur leur santé physique et/ou mentale, parfois longtemps après les faits.
Peu à peu la conscientisation de la violence s'estompe pour produire des générations désensibilisé.e.s à la violence et la misogynie se radicalise en lien notamment avec la montée des idées masculinistes. Voilà quelques mois une enquête a mis au jour qu'un garçon sur quatre entre 18 et 25 ans pense qu'il est parfois normal d'avoir recours à la violence pour se faire respecter dans son couple. « Le discours pornographique est incompatible avec la lutte contre les violences sexistes et sexuelles et avec l'émancipation sexuelle de tous et toutes » assure le HCE en conclusion de son rapport.
OLF de son côté multiplie les campagnes d'alerte notamment contre les opérateurs téléphoniques qui viennent de trouver une parade aux interdictions récentes d'accès aux plateformes pornographiques par les mineur.e.s.
Geneviève ROY
Pour aller plus loin : lire le rapport du HCE



