Quel est le lien entre Thérèse Clerc, fondatrice de la Maison des Femmes de Montreuil,Trotula de Salerne, chirurgienne de la Rome Antique et Nellie Bly, journaliste américaine ?

Toutes les trois font partie de ces femmes invisibilisées mises en lumière par la compagnie Combats Ordinaires dans Elles, l'autre mémoire. Un projet de lectures théâtralisées porté par Caroline Alaoui, fondatrice de la compagnie, et sa complice Lety Pardalis.

Avec un peu de poésie et pas mal d'humour les deux comédiennes prêtent leurs voix à celles dont elles voudraient faire des modèles

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Caroline Alaoui et Lety Pardalis disent merci au covid ! C'est en effet grâce à la pandémie qu'elles ont pu se rencontrer et vivre ce qu'elles n'hésitent pas à appeler un « coup de foudre humain ». Comme tous.tes les artistes du spectacle vivant, les deux années écoulées ont été difficiles pour elles. « C'était une vraie douleur d'être totalement isolée – se souvient Lety – je me suis raccrochée au collectif Compagnies du 35 qui a vu le jour en Ille-et-Vilaine en 2020 et pour moi la rencontre avec Caroline a été un vrai bonheur. »

De son côté, Caroline reconnaît que pour une « compagnie émergente » comme la sienne et une comédienne récemment installée en Bretagne comme elle, ce regroupement d'artistes a été salutaire. Très vite, les deux femmes s'accordent sur leur vision du théâtre. Après un début de carrière à Paris, Caroline découvre que ce qu'elle aime vraiment c'est « partir de l'humain ». « Travailler sous forme de collectage est devenu ma matière » dit celle qui crée les Combats Ordinaires parce qu'elle pense que « si on ne peut pas changer le monde tout.e seul.e on peut par contre infuser des choses, planter des petites graines... »

Offrir un spectacle « nomade et modulable »

Quand arrive la rencontre entre les deux artistes, il y a en elles « un besoin d'inventer, de faire autrement ». Caroline a déjà le projet d'un spectacle sur « des femmes réelles exceptionnelles » ; Lety a envie de « travailler avec des gens nouveaux » et, grâce notamment à HF Bretagne, s'intéresse de plus en plus aux questions féministes. Il ne faut pas longtemps aux deux femmes pour comprendre qu'elles tiennent quelque chose.

combats3A peine ont-elles commencé à lister des noms, entamer des recherches et rédiger leurs premières adaptations de textes déjà existants, qu'elles se rendent compte que « les planètes sont alignées ». D'un côté, deux mois ont suffi pour se voir proposer des dates de représentations ce qui « n'arrive jamais » ; d'un autre côté leur travail d'écriture prend une telle place qu'elles ont envie d'aller plus loin, de faire des textes plus personnels. C'est donc un peu dans l'urgence qu'elles mettent en février la dernière main à une première version qui sera sur scène dès la fin du mois.

« C'est un spectacle nomade et modulable » défendent-elles. Aux premières femmes choisies, elles envisagent déjà d'en ajouter en fonction des lieux de programmation mais aussi des publics. Les universités se disent intéressées et elles aimeraient à ces occasions proposer des parcours de femmes scientifiques ; l'une souhaiterait adaptée l'écriture à un public jeunesse et l'autre rêve déjà d'une offre thématique sur le monde du spectacle... Les frustrations du covid sont loin ; c'est une belle énergie qui les anime désormais quand on les rencontre à quelques jours d'une première représentation.

Permettre aux petites filles « de se projeter dans n'importe quoi ! »

La forme choisie, des lectures théâtralisées, permet aux comédiennes de « disparaître pour laisser toute la place à ces femmes et à leurs histoires ». Elle n'empêche pas l'originalité dans l'écriture. L'idée n'étant pas d'écrire des biographies ni une conférence, Caroline et Lety disent s'être « amusées à chercher toutes les écritures différentes possibles ». Et finalement, selon la femme « dont on souhaitait parler – disent-elles encore – la forme s'est toujours imposée naturellement ». Une chronique radio pour le portrait de Nellie Bly, journaliste ; un péplum pour la première gynécologue de la Grèce Antique ; un jeu télévisé pour l'une, une oraison funèbre pour une autre... Elles se sont autorisées tous les registres et tous les codes et revendiquent de livrer ainsi avec humour et poésie « des informations véridiques dans des récits de fictions ». Elles ont aussi eu à cœur de trouver des exemples de femmes dans toutes les époques, sur tous les continents, de toutes les origines... Aucune Bretonne pour l'instant dans la liste, mais c'est promis, ça va venir bientôt !

combats afficheSi leur spectacle a tout de suite conquis les programmateurs.trices, Caroline et Lety ont su aussi rassembler autour d'elles d'autres femmes séduites par le projet. C'est notamment Frédérique Mingant, qui les a assistées dans la mise en scène ou encore Marie Karedwen qui signe l'affiche du spectacle. Elles en sourient, précisant que ce n'était pas forcément leur volonté de « rester entre femmes » mais qu'elles savent aussi apprécier ces moments-là.

Quant à leur spectacle s'il est ouvertement féministe il s'adresse bien évidemment à un large pubic. Avec toutefois, une attention particulière à l'intention des petites et des jeunes filles. « Notre idée – précise Lety – est de créer des modèles et une petite fille doit pouvoir se projeter dans n'importe quoi ; elle a le droit de rêver de devenir scientifique, exploratrice, dirigeante d'un pays, etc. » Ce qu'elles aimeraient maintentant c'est qu'on leur propose des dates toute l'année ; « On se bat - disent-elles - pour ne pas être programmées qu'en mars ! »

Geneviève ROY

Pour voir Caroline Alaoui et Lety Pardalis sur scène dans Elles, l'autre mémoire :
5 mars à la médiathèque d'Acigné
8 mars aux Champs Libres
10 mars à la Maison de Quartier de la Bellangerais
26 mars au Grand Cordel dans le cadre de Parcours d'Ici
Avec des actions culturelles sur Acigné et à la bibliothèque de la Bellangerais : ateliers d'écriturede portraits de femmes